J'ai l'impression qu'à chaque fois que l'animation japonaise (et, plus généralement, le cinéma nippon) traite de la seconde guerre mondiale, c'est toujours pour parler de la fin, de la défaite. Les personnages sont donc toujours des victimes ("Le Tombeau des Lucioles" de Takahata ou alors, dans une moindre mesure, "Le Vent se Lève" de Miyazaki), jamais des agresseurs (un anime sur les massacres de Nankin, c'est pas pour demain !). Là où par exemple le cinéma allemand, dès les années 50, avait su regarder son passé récent en face pour faire acte de contrition et de réhabilitation (l'excellent "Chiens, à Vous de Crever !"), le pays du Soleil Levant n'a jamais vraiment fait son examen de conscience à travers sa cinématographie (en même temps, et paradoxalement, il est vrai que la censure imposée par les autorités d'occupation américaines n'aidait pas vraiment). Bon, cela dit, ce qui est intéressant dans "L'Ile de Giovanni", c'est que le film met en lumière des évènements historiques assez méconnus en occident : l'invasion et l'occupation des îles Kouriles par les troupes soviétiques, puis les déportations d'autochtones qui s'en sont suivies. Vécus par deux enfants (Junpei et Kanta) fascinés par le conte fantastique de Kenji Miyazawa, "Train de Nuit dans la voie Lactée", ces évènements apporteront leur lot d'épreuves, de drames mais aussi de joies passagères dans un flot quasi continu d'émotions. Tout le monde l'a faite mais la comparaison avec "Le Tombeau des Lucioles" est inévitable. Deux films d'animation, une fratrie de deux enfants comme personnages principaux, le chaos aussi bien matériel que psychologique du Japon au moment de la défaite de 1945 en fond d'histoire, un bon gros potentiel lacrymal (même si la charge émotionnelle est peut-être ici plus provoquée et artificielle, moins spontanée et naturelle qu'à la vision du chef-d'œuvre d'Isao Takahata)... Pourtant, les points communs entre les deux films ne sont pas si nombreux que ça si on y regarde de plus près, ne serait-ce qu'au niveau de l'animation, "L'Ile de Giovanni" bénéficiant de 25 ans de progrès technique par rapport à son (faux) modèle. Ce qui n'est par forcément un atout, d'ailleurs. Les nombreuses scènes de rêve avec le train de nuit, sensées être oniriques et féériques, s'avèrent en fait assez plombées par une animation en image de synthèse pas très inspirée. L'animation traditionnelle est beaucoup mieux, avec un mélange de dessins très soignés et d'autres beaucoup plus brouillons (les décors, surtout) qui donnent un aspect un peu foutraque et presque impressionniste au film. Intéressant en tout cas. Intéressant aussi le soin apporté à la musique (même si c'est un des facteurs qui a tendance à beaucoup [trop] appuyer l'émotion) et aux personnages secondaires (l'oncle Hideo, formidable). Et puis, cerise sur le gâteau, c'est l'immense Tatsuya Nakadai ("Sanjuro", "Harakiri", "Ran"...) qui prête sa voix au personnage de Junpei vieillard. Rien que pour ça...