Ils se font rares les films japonais que les distributeurs français osent nous sortir de nos jours. En gros, soit on se bouffe des films pour bobos comme le sont ceux de Kyuchi Kurosawa ; soit on a le dessin-animé à la mode Ghibli. Bon bah là, ce n’est pas parce que « l’île de Giovanni » nous vient des Productions I.G. que cela va changer grand-chose à ce constat et c’est bien dommage. Non pas que je n’aime pas les dessins-animés à la sauce Ghibli, mais j’ai l’impression que c’est désormais devenu un standard vers lequel beaucoup de productions cherchent à tendre, au détriment de la diversité et – surtout – de la pertinence. Et pour être franc, ça m’emmerde, et tout particulièrement pour cette « île de Giovanni ». Parce que l’air de rien, je trouve qu’il y avait là un sujet énorme, susceptible de générer un univers plus qu’atypique. Des Soviétiques qu’on retrouve en plein Japon au lendemain de la guerre : j’achète ! Et pourtant, me concernant, ça ne l’a pas fait du tout. Pourquoi ? Parce que justement il y avait là quelque-chose d’original et que ça méritait un traitement original et – surtout – adapté. Or là, j’avoue que je ne comprends absolument pas pourquoi Nishikubo a tenu à noyer ça dans une ambiance totalement mièvre où tout le monde est gentil ; tout le monde est heureux ; où les cheveux volent au vent au milieu des fleurs et des rires. Même une arrestation ou une exécution se fait sur un ton tendre et mou... Alors je ne vous cache pas que j’ai cherché à excuser le film pendant que je le voyais. Je me disais que c’était ainsi pour témoigner le point de vue naïf qu’avait le narrateur à l’époque où il était enfant. Après tout, un enfant ne voit peut-être pas toute la cruauté qu’il y a à se faire déloger de chez lui ; de se faire pointer un flingue sur la tronche ou de voir la moitié de son village se faire déporter... Noooon... L’enfant, éternel innocent, est avant tout soucieux de jouer avec ces blondinets tous tellement mignons, et surtout de dragouiller la fille du chef qui, bien qu’elle soit sensée être russe, ressemble davantage à une bavaroise... Sûrement était-ce l’intention... Mais non, désolé, pour moi ça ne marche pas. Ce ton si doux et mièvre anesthésie toutes les scènes. Ça manque de chair ; ça manque de rudesse ; ça manque de crudité. On ne peut pas parler d’une histoire comme ça en mettant des soleils couchants partout et des gestes lents et délicats. Au bout d’un moment, il faut qu’il y ait une forme de crudité qui nous permette de ressentir les choses. Alors certes, c’est beau et l’histoire est bien foutue, mais la tonalité générale du film est à mon sens totalement hors-sujet. C’est bête, parce qu’il avait un univers particulier ce film et, visiblement, le studio à l’origine de ce film maitrisait la technique. Seulement voilà, il ne suffit pas de ça pour faire passer de l’émotion forte, et cette « Île de Giovanni » me l’a appris à mes dépends...