Knock Knock est un des deux films d’Eli Roth à voir le jour cette année. Alors que The Green Inferno, film tourné en 2013, ne sortira qu’en VOD, Knock Knock aura la chance de connaître une sortie en salles. Pourtant le premier film se situe davantage dans le style de son auteur, alors que le dernier offre à Roth l’exploration d’un nouveau cinéma, celui du thriller érotico-soft. Étant un remake du film Death Game de Peter S. Traynor sorti en 1977, il se montre très loin de ce à quoi le cinéaste nous avait habitué, pas de gore ici, mais la promesse d’un film sensuel, prenant et malsain. Mais au final, cette promesse est-elle tenue ? La finesse n’a jamais été le point fort de la filmographie d’Eli Roth, ni la psychologie d’ailleurs, ayant un style plutôt grossier et sensationnaliste. Ce n’était généralement pas un défaut de ses films, étant de genres peu subtils ni trop retorses sur la psychologie, mais on constate qu’ici c’est un handicap majeur. Présentant de prime abord la vie familiale de son personnage principal, il va employer tous les clichés possibles des parfaites familles américaines. Des enfants qui réveillent leurs parents en sautant sur le lit, la fête d’anniversaire surprise pour le papa, la femme comblée et le couple heureux ainsi que la maison qui est pleine de photos de famille. Tous les pires clichés du genre y passent au sein d’un début laborieux et forcé qui agace très vite le spectateur. Après ça, le film se découpera en deux actes, celui de la rencontre avec les deux jeunes femmes, qui comprend toute la partie séduction ; et la partie séquestration du père de famille, qui se situe plus dans les obsessions d’Eli Roth, plongeant dans le thriller horrifique. La première partie est bien trop longue, tirant la situation à l’extrême pour ménager le suspens, alors que l’on sait très vite comment elle va aboutir. L’aspect prévisible a donc tendance à entretenir un certain ennui d’autant qu’il ne rend pas cela plus intéressant du fait de la personnalité des deux jeunes femmes. En rien elles ne sont intrigantes ou même attirantes de par leurs psychologies respectives. Elles font très vite immatures et elles laissent rapidement entrevoir leurs véritables intentions. Dès lors, on prend très vite conscience de la stupidité des personnages que ce soit celle du père ou des deux femmes. Même si leurs côté juvénile sert un peu le message derrière l’œuvre, cela tend à rendre l’ensemble trop grossier et malhonnête. La deuxième partie ne sera en rien bénéfique dans ce constat. Déjà elle est bien trop courte, ou du moins exécutée trop rapidement. Ayant perdu trop de temps sur le premier acte, Roth se fera bien plus succinct sur la séquestration, qui aurait dû être le cœur de l’œuvre. Malheureusement ce ne sera pas le cas et les défauts persistent voire même s’intensifient. L’histoire devient encore plus prévisible, et la situation ne tient debout que par l’absurdité des personnages, ce qui est révélateur sur le niveau globale de l’intrigue. Les décisions incohérentes prennent le pas sur d’autres et atteignent leur paroxysme lorsqu’une tierce personne rentre dans le jeu. A ce moment là du récit, le spectateur perd le peu d’intérêt qu’il lui restait encore. Et le film se conclut sans surprise sur une note moralisatrice un peu douteuse et surtout réductrice sur la psychologie des personnages, présentant un monde simpliste et unilatéral où tout est soit blanc soit noir. Ce qui nous laisse avec l’étrange sentiment d’avoir été pris pour des imbéciles. Le tout portant un jugement très cloisonné sur les hommes, ce sont tous des pervers, et porte les figures féminines aux nues. Mais il utilise un féminisme vicié, qui se montre trop simpliste dans l’exposition des femmes. Ici, elles ont des figures de vengeresses quasiment christiques, malgré leurs folies latentes qui ne symbolisent que leurs candeurs et leurs puretés. Il les présente comme des êtres vertueux et sans tâches alors que la réalité n’est pas aussi simple. Le message se fait donc trop moralisateur, trop hypocrite et trop arrogant n’ayant en fin de compte absolument rien à offrir. Le final n’étant pas assez choquant pour nous pousser à réfléchir, d’autant qu’il tombe sans vergogne dans le ridicule. Et en plus des grosses faiblesses du scénario, le casting n’est pas vraiment en mesure de rattraper l’ensemble. Les acteurs offrent des prestations inégales, comme Lorenza Izzo et Ana de Armas qui sont bien trop cabotines dans leurs rôles. Même si c’est un choix de la direction d’acteurs, c’est un choix qui ne porte pas ses fruits. En aucun cas les deux actrices arrivent à être mystérieuses, angoissantes ou fascinantes. Elles tombent juste dans les poncifs de ce genre de personnages et ne sortiront jamais de leurs stéréotypes. Pour Keanu Reeves, qui est la vraie attraction de ce film, cela est beaucoup moins simple. Il peine vraiment à être convaincant en père de famille au début du film, l’acteur semble totalement à l’ouest au sein du récit. En fin de parcours, il se révèle pourtant particulièrement excellent, arrivant à transmettre la détresse et la peur de ce père de famille avec justesse. Il est aussi dommage que la réalisation ne soit pas mémorable. La photographie, le montage ainsi que la sélection musicale, se montrent génériques voire même fades. Sans parler de la mise en scène d’Eli Roth qui s’avère classique et plate. On ne retrouve pas sa patte, il plonge dans le puritanisme américain alors qu’il a davantage l’âme d’un enfant terrible. On sent quand même qu’il veut faire une critique des « banlieusards », mais cela ne fonctionne pas car la mise en scène manque d’impact. Roth a beau essayer de créer un monde d’apparence, avec cette maison idéale de la famille parfaite, pour mieux le déconstruire, la perfection qui n’est qu’illusion pour cacher les péchés de tous les jours, mais il manque cruellement de justesse pour y parvenir. De plus, la mise en scène n’arrivera pas à rendre le récit sensuel, malgré quelques visions érotiques, préférant jouer le hors champs lors des scènes torrides avec inserts sur les photos de famille. Au cours de la dernière partie, le cinéaste n’arrive même pas à cristalliser le suspens, les scènes sont dénuées de tension, alors que c’est censé être sa marque de fabrique. En conclusion Knock Knock est un ratage, un long métrage à peine regardable qui n’est sauvé de la médiocrité que par quelques séquences pas inintéressantes et un acteur principal qui s’améliore vraiment de scène en scène. Mais on s’ennuie souvent, on ne reconnaît pas le cinéaste et à aucun moment on ne ressent le moindre frisson érotique ou d’angoisse. L’ensemble est juste plat, simpliste et moralisateur. C’est dommage car il y avait de belles promesses derrière tout ça, et à certains moments on aperçoit le bon film que l’on aurait pu avoir mais il mise trop sur les facilités d’écritures poussant ses personnages dans la stupidité. Mais c’est surtout le manque de rigueur et de finesse qui fait que tout cela échoue et certainement pas le manque de talent. On est donc face à une œuvre décevante mais pas entièrement honteuse.