Le titre sonne comme un film pour la jeunesse mais pas certain que les jeunes spectateurs, il y en avait beaucoup dans la salle, perçoivent toutes les subtilités de ce film original réalisé par l’ex acteur Matt Ross. La caméra balaie longuement une épaisse forêt primaire où un jeune daim broute tranquillement les jeunes pousses…brutalement surgit des buissons, une main armée d’un poignard qui égorge le daim ...puis apparait un visage d’un adolescent au maquillage type commando…et toute une famille en tenue de camouflage sous la direction du père Ben, (Vigo Mortensen) qui arrache un morceau de foie du jeune daim , le tend à son fils en déclarant : « Le garçon est mort , l’homme vient de naitre »…le film est lancé et on découvre cette famille, Ben un beau barbu au look de seventies qui vit au fond des bois avec ses six enfants, aux prénoms improbables pour être certain qu’ils seront les seuls à en être dotés…l’éducation est rude, quasi militaire, pompes, varappe, chasse et pêche, mais aussi lecture des grands philosophes au coin du feu. Coupés du monde capitaliste, la famille veut vivre en autarcie dans ce bois de l’Etat de Washington, appliquant les principes platoniciens et de Noam Chomsky… Cette première partie est la partie la plus flamboyante du film…la nature est omniprésente avec ses colères et ses couleurs éclatantes…on croit à cette utopie heureuse…La nouvelle de la mort de leur mère hospitalisée au Nouveau Mexique, les foudroie…A bord d’un vieux bus, la famille se rend aux obsèques de leur mère et se confronte alors au monde extérieur, à la société de consommation, à ce monde hyper-connecté dont les enfants ont été protégés…mais cette opposition entre deux mondes, verse parfois dans la caricature, la confrontation avec les cousins accrocs aux jeux vidéo et ignorants des premiers amendements de la constitution, en est une illustration…la rencontre avec les grands parents, caricatures un peu grossières d’un capitalisme triomphant, somptueuse villa au bord d’un golf est un peu excessive ….dans cette confrontation avec la mocheté du monde certains des enfants découvrent des opportunités qu’il serait dommage de rejeter entièrement et veulent alors sortir de la tranquille utopie du père…Ben découvre alors qu’en protégeant ses enfants de la soumission à quelque autorité sociale que ce soit ( religion, école, morale police…), il les a enfermés dans sa propre coercition et n’a fait que reproduire ce contre quoi il s’était battu…la fin du film amène un retour du merveilleux, la famille se retrouve autour du corps de la mère dans une nature sublimée…Viggo Mortensen, en grande forme, est entouré de merveilleux enfants acteurs , débordants de malice. Une musique rêveuse et entraînante, la beauté des paysages, l’impertinence même de ce film est une véritable bouffée d’air frais tout en nous bouleversant dans nos certitudes…