Issu du sérail de la télévision, principalement en tant qu’acteur, Matt Ross parvient là à livrer un film touchant, sensiblement critique envers les mœurs d’aujourd’hui, un film qui fît sensation lors de son passage Cannois. Bel ouvrage que voici, une comédie sociétale, un drame profondément humain dont la pierre angulaire n’est rien moins que le talentueux, inutile de le répéter, Viggo Mortensen. Matt Ross, lorgnant vers le cinéma indépendant de son pays, dresse le portrait d’une famille bien curieuse, d’un père et de sa poignée de moutards, vivants en autarcies dans les tréfonds des grandes forêts de l’Oregon, excluant de leur mode de vie le consumérisme, la religion en tant que doctrine. Les gosses se plongent dans la littérature, le sport, la musique, la chasse, vivant tels des individus hors cadres, poussés par un père à la fois autoritaire et bien veillant. Oui mais voilà, la mère, alitée dans un hôpital, met fin à ses jours. Il s’agira donc, pour la petite famille, de retourner voir le monde pour rendre hommage à la dame.
Prenant la route dans leur vieux bus scolaire réaffecté en camping-car, ceux-ci seront forcés de se confronter, surtout le père, à la famille, des individus qui, assez logiquement, lui reprocheront le mode de vie qu’il a choisi pour ses enfants. Conflits d’intérêts, conflits de mœurs entre l’homme qui rejette et qui se complait dans la doctrine d’une certain Noam Chomsky et l’homme, principalement, qui incarne la responsabilité sociale contemporaine. Les enfants sont l’enjeu. Que veulent, en somme, ces enfants-là, tiraillés entre l’envie de faire comme autrui et de poursuivre leur existence unique, à l’écart? Sans pathos, sans mièvrerie hollywoodienne, Matt Ross parvient à nous faire nous interroger légitimement sur la destinée des personnages de son film. Nous devons, en somme, prendre parti, choisir notre camp, à la fois captiver par ce mode de vie sans contrainte et offusquer du fait que ces gosses, sans doute ce père aussi, passent tous à coté de bien des choses de la vie.
A l’exception d’un final dirons-nous relativement décevant car préconçu en regard du reste du film, Matt Ross parvient toujours à atteindre une certaine sensibilité, une très belle manière d’appréhender le sujet, il est vrai complexe, de son ouvrage. On peut donc, sans trop prendre de risque, qualifier Captain Fantastic de film parfaitement réussi. Il est à noter, pour autant, qu’en dépit de nombreuses qualité, le film ne m’a pas transcendé. Mais il ne s’agit là que de mon point de vue. 13/20