Au début j’ai vu une forêt sauvage ; une biche ; et puis un homme au visage peint venir s’abattre sur l’animal. Pour des gens qui, comme moi, aiment débarquer devant des films sans savoir de quoi ils parlent, je peux vous dire que l’effet était garanti ! Film préhistorique ? Film survivaliste ? …Et puis ce titre : « Captain Fantastic » ; c’est quoi ça ? Un titre de film de super-héros ? Si je dis tout cela, c’est parce que je pense que c’est certainement la grande force de ce film : on ne sait jamais vraiment ce qu’il est ; où il va ; ce qu’il va nous raconter… On comprend juste très rapidement qu’il va y avoir du fond, que bien des thématiques vont être abordées, et qu’il y a de forts risques qu’à la fin de l’aventure, on ressorte de là avec un propos qui ait du sens… Eh bah quel plaisir tout simplement d’avoir DEJA ça. Combien de films peuvent se targuer de telles qualités aujourd’hui ? Oser sortir des sentiers battus ; proposer une histoire qui lui est propre ; oser creuser des questions sociétales et individuelles de manière frontale… Combien franchement ? Pour moi bien peu. Et rien que pour cela, ce « Captain Fantastic » a su me mettre dans sa poche assez rapidement. Mais là où il m’a totalement emballé, c’est qu’au-delà de ces qualités premières, le film va bien au-delà de ça. En permanence il nous questionne, renverse les rôles, éprouve les postures de chacun… Le Captain Fantastic n’est fantastique que de nom. Il a ses doutes, ses limites, ses carences… Captain Fantastic est juste un personnage humain ; un gars qui essaye de faire au mieux. Et c’est parce qu’il est humain qu’il est attachant. Et c’est aussi parce que tous les personnages de ce film sont pétris de cette même humanité qu’ils forment à eux tous une population pour laquelle je me suis très vite pris d’empathie. Il n’y a pas de méchants ni de gentils dans le monde du « Captain Fantastic », juste des gens avec leurs forces et leurs faiblesses ; leurs sensibilités et leurs limites ; et leur envie de faire au mieux en fonction de la perception qu’ils ont de la situation donnée. Lutter contre la norme ; éduquer ses enfants ; concevoir et construire son émancipation : autant de sujets universels que ce film traite avec une subtile intelligence et une profonde humanité. Et là où le miracle se poursuit, c’est que ce Matt Ross, dont je ne connaissais pas le nom jusqu’à présent, a su mettre en forme ce propos et cet univers avec une réalisation que je trouve vraiment des plus pertinentes. Jamais trop, jamais trop peu. Elle sait ménager les moments de légèreté et les moments d’émotion. Elle sait suspendre au bon moment l’intrigue au profit de moment de respiration et de contemplation. Elle user des codes comme elle sait les briser quand il le faut… (
Moi par exemple, je retiens cette chanson finale entonnée lors de la crémation de la mère. A mon sens c’est le truc casse-gueule par excellence. Et pourtant là, je trouve qu’on évite à la fois le pathos, le ridicule, le tire-larmes. L’évolution de la chanson et la manière de la mettre en image donnent une réelle dynamique à la scène ; une dynamique qui fait de ce moment un moment enlevé, riche de sens et d’émotion ; bien plus qu’un simple trémolo. Ça tient à pas grand-chose, mais ça marche. Rien que pour ça, franchement : bravo !
) Donc voilà : en quatre mots comme en cent : j’adore ce film. Mieux encore : je l’aime. Savoir mêler à ce point simplicité, légèreté, subtilité, émotion, intelligence, humanité sur des sujets aussi universels, c’est juste remarquable. « Captain Fantastic » est plus qu’une bonne surprise : c’est l’un de mes chefs d’œuvre de l’année ; un film qui figurera dans mon panthéon de 2016. Oui, rien que ça… Vous voila prévenus. Maintenant c’est à vous d’agir…