A y regarder de plus près, le cinéma de Felix van Groeningen se forme d’un tout d’une cohérence appuyée. Là où certains se définissent avant tout par leur grammaire cinématographique, le cinéaste s’appuie toujours sur ce qu’il semble faire de mieux, filmer cette humanité dans ses tréfonds d’âmes, des plus jolis au plus sombres, avec ce penchant continuel à poser un œil bienveillant, sinon tendre, sur ces femmes et ces hommes. Il réussit, dans un même genre, proche du drame social, a toujours garder cette hauteur qui permet même dans les instants les plus glauques et sombres, d’apercevoir cette lumière et procurer une beauté de fond à chacun de ses films.
Les plus connus, « La mertitude des choses » qui l’avait fait connaître hors des frontières du plat pays et le magnifique et douloureux (multi primés) « Alabama Monroe » portaient ce magnétisme social dont Felix van Groeningen a le secret. Les deux précédents étant de la même veine (« Steve Sky » de l’ordre de l’essai et « Dagen zonder lief » déjà puissant dans sa forme et sa direction d’acteurs).
Ceci étant plus ou moins établit, l’attente autour de « Belgica » était importante. Une fois les choppes de bière écoulées, le constat à jeun est plutôt positif et le mal de crâne évité. Ce qui n’enlève pas une certaine déception quant à la tenue « cadrée » de l’ensemble du film.
Dans cette veine de toujours intérieure de filmer ses personnages au plus près et au plus vrai, le film l’assume et s’en sort vraiment très bien. Histoire de fratrie avec au centre ce troisième larron, 4 murs, un toit, et des litres de bières et autres shots pour former le vecteur perturbateur de cette famille. Toutes les scènes nocturnes sentent le houblon à plein nez, la sueur des virées nocturnes où l’essence des corps communie avec celle des sons. Enivrées jusqu’à plus soif les séquences à l’intérieur du « Belgica » semblent avoir été vécues de l’intérieur par le réalisateur lors de soirées qui se clôturent au petit matin. Sur ce point, c’est très réussit et la bande son concoctée par Soulwax en est un élément essentiel. Viennent se fracasser d’une enceinte à l’autre, bluegrass, rock, électro, choral cuivrée et autre son undergroud entre garage et fièvre trip hop(ée). Film qui de manière équitable partage donc le sensitif au sensible. Et c’est sur deuxième axe, excellence et réussite des précédents films du réalisateur, que la déception pointe un peu son nez. La relation compliquée et déjà-vu entre les deux frères ne déroge pas à la règle de ceux qui s’y sont déjà frottés. Mélodrame classique dans son évolution comme dans sa finition, et un léger manque de subtilité fait un peu balbutié. En outre, les seconds rôles sont trop sacrifiés, faute de temps et de caméra trop attentive aux deux frères qui laisse parfois échapper ce qui aurait pu être de belles intentions de personnages secondaires. Tout est parfois trop vite balayé. Heureusement, ce n’est pas au profit d’un vide immense puisqu’à chaque fois c’est bien ce bar/club qui prend le relais d’un ton festif dans une orgie musicale et visuelle (le soin apporté à filmer habillement et de manière très limpide le chaos du dancefloor est à souligner).
Le film danse sur un pied mais tient finalement sur ses deux jambes. Felix van Groeningen n’a pas cherché à faire compliquer, quand dans son récit on sent au fil des minutes l’intention de partager avant tout au spectateur une sorte d’instants de fraîcheur et de fêtes. Pour cela, tout en saluant la performance des deux comédiens principaux, il ne faudra pas trop s’attacher à leur histoire, les laisser en toute fin et profiter avec eux tout simplement de ces nuits d’orgies et de débauches avec un amour déclarer et appuyer à la musique sous toutes ses formes, et la communion que celle-ci peut entraîner. Film sensitif plus que réflectif.