Il aurait pu s'appeler Auguste Lantier et le Belgica aurait pu être une succursale de l'Assommoir chez Zola. Sauf qu'ici on est en Belgique, la Belgique flamande, que le propriétaire du bar est une jeune-homme à l'œil fermé, et que le grand frère, celui par qui le bonheur et le malheur arrivent, c'est Franck. Tout va vite dans ce film. Le montage est serré, les dialogues sont courts, comme pour mieux marquer l'inexorable montée vers le succès du petit bar de quartier dont la plomberie est chroniquement bouchée. Les choses vont à un rythme effréné, avec en toile de fond, une bande-son incroyable, mais le rythme est tel qu'on se demande à partir de quel moment la chute va poindre son nez. Felix Van Groeningen réalise ici une fresque alternative et musicale. Le spectateur en prend plein les yeux, les oreilles, le cœur, tant les voix, les sonorités, les dialogues sont intenses, sinon parfois excessifs. Le Belgica devient très vite un espace de drogue et de création, où le sexe côtoie l'argent et la violence. Le réalisateur parvient à faire œuvre d'une mise en scène efficace, précise, que le montage, la lumière et la photographie rehaussent en intensité. Le spectateur est pris dans ce mouvement de rage, où les protagonistes se confrontent à la répétition du passé et à des choix de vie qui marqueront leur existence à jamais. "Alabama Monroe" était déjà un film sur un avenir à reconstruire, la promesse d'une vie. Les héros de Belgica rêvent d'argent, ils rêvent d'une vie meilleure, et surtout ils rêvent d'échapper au déterminisme de leur propre histoire familiale. Mais le destin rattrape toujours les personnages. Or la grâce du film se situe dans le fait qu'ils ne sombrent jamais dans la désespérance, au risque même de certaines incohérences du scénario. Et c'est dans ces incohérences que se niche la beauté de ce long-métrage car fondamentalement, cette histoire-là, ça pourrait être la nôtre, c'est un film qui apprend l'espoir et la nécessité de vivre.