Intégrer des retours en arrière (flash-back) dans un récit linéaire, a fortiori, biographique suppose une parfaite maitrise de l’art cinématographique. Des cinéastes comme Marcel Carné, Orson Wells, David Lean, Truffaut, James Ivory, R. Zemackis y ont excellé ou y excellent encore. Le moins que l’on puisse dire de Simon Curtis c’est qu’il l’utilise, sinon avec lourdeur, en tout cas avec un académisme besogneux. Pourtant, je n’ai pas envie de descendre ce film, bien au contraire.
D’abord parce que dans le marasme actuel, l’indigence des scénarios, la platitude des récits que l’on nous sert aujourd’hui sur la toile, cette histoire véridique vous prend aux tripes. Ensuite, les sujets abordés sont d’une haute volée artistique : la peinture bien sûr mais aussi la musique (Le futur employeur du héros lui demande s’il est apparenté à Arnold Schoenberg et on entend un autre avocat évoquer le dodécaphonisme) et cela sans redondance ni pédantisme. Enfin, les concepteurs du scénario et le réalisateur ont su montrer la vie de ces grands bourgeois juifs viennois tels qu’ils étaient à savoir des patriotes attachés à favoriser les artistes de leur pays, de fins esthètes et des musiciens de talent. En quelques mots, la mère de Maria rappelle le foisonnement intellectuel de la capitale autrichienne : Freud, Klimt, G. Mahler. Sans qu’elle les cite, on pense aussi à Egon Schiele, Kokoschka, Alban Berg, Anton Webern et, pour la science, à Édouard Teller. Soyez attentif à la bande son. Vous entendrez le mari de Maria, Fritz Altmann, entonner la sérénade de Dom Juan de Mozart et, un peu plus loin dans le film, un formation de cordes (septuor?) interpréter un bref extrait de « la nuit transfigurée » d’Arnold Schoenberg. Les reconstitutions de l’Anschluss viennent nous rappeler à quel point une brillante civilisation comme l’allemande peut sombrer, du jour au lendemain, dans la barbarie. Dans l’ensemble, les acteurs se révèlent excellents surtout Helen Mirren, étonnante de crédibilité. R. Reynolds en revanche est un peu transparent mon son rôle n'est pas aisé. Plutôt que de subir les blockbusters qui vous pourrissent les neurones, allez voir ce film. Malgré ses défauts, il nourrira votre esprit.