Le film de Simon Curtis traite d’un sujet déjà plusieurs fois traités par le cinéma : la spoliation des biens des juifs européens par les nazis. Sauf qu’ici, il est davantage question de restitution que de spoliation. Même si le film alterne beaucoup entre 1998 et 1938, c’est surtout ici d’un combat juridique dont il est question, plus qu’un film historique. Helen Mirren est une actrice anglaise déjà maintes fois récompensée et elle irradie le film de Curtis de son talent : son charme et son humour alternant avec une certaine gravité mais toujours teintée de pudeur, Mirren compose une Maria Altmann très attachante. A ses côtés, Ryan Reynolds fait de son mieux mais il fait un peu « léger » et Daniel Brühl (que l’on connait bien depuis « Goodbye Lenin ! ») est un petit peu trop sous-exploité à mon gout, sa propre histoire familiale n’étant évoquée que quelques minutes alors qu’elle aurait pu être autre chose qu’un alibi. Les seconds rôles dans l’ensemble semblent un peu éclipsés par le couple star : une vieille dame digne et son avocat opiniâtre. Le rôle de Randolph Schoenberg est pourtant un rôle assez écrit et intéressant : d’abord peu motivé par l’affaire et mu quasiment uniquement par l’appât du gain, il trouve pendant son cour voyage à Vienne une profondeur : le passé de sa propre famille lui explosant à la figure sans qu’il s’y attende. Mais Reynolds n’arrive pas à apporter de la profondeur à son jeu, il n’est pas assez expressif, il lui manque quelque chose, même si ce n’est pas évident de dire exactement quoi. La réalisation de Curtis est assez conventionnelle et parfois assez peu inventive : les multiples recours aux flash back ne sont pas une mauvaise chose en soi, mais ici ils sont à la fois nombreux, pas toujours justifiés et surtout très didactiques. Cette façon de mêler les deux époques, dans la scène finale, c’est assez lourd, çà déjà été fait et çà n’apporte rien. En fait, ces flash back sont surtout là pour donner un petit cours d’histoire sur l’Anschluss et sur la persécution des juifs autrichiens avant la guerre. Evidemment, un petit cours d’histoire çà ne fait jamais de mal, mais là c’est presque « scolaire », les effets sont un poil trop appuyés. Heureusement que ces flash back sont très bien interprétés, notamment par Tatiana Maslani en Maria jeune parce que leur réalisation très hollywoodienne semble parfois presque malvenue. J’en prends pour exemple la scène de la fuite dans la pharmacie puis à l’aéroport, filmée avec du suspens, des rebondissements et de la musique alors que le sujet ne se prête vraiment pas à ce traitement. Quant au scénario, comme je l’ai dit, il alterne 1938 avec 1998. Et c’est bien en 1998 que tout se joue. Cette vieille dame un peu frêle va trouver le courage de retourner à Vienne (et j’imagine mal le courage nécessaire à un tel voyage) puis d’attaquer l’Etat Autrichien d’abord en Amérique puis en Autriche pour récupérer des œuvres d’arts mondialement connues. Evidemment, un combat très déséquilibré et tout le monde ou presque a essayer de l’en dissuader, mais elle a tenu bon. Je reconnais que je ne connaissais pas l’histoire vraie de Maria Altmann et de son combat. Et je ne connaissais pas l’issue de ce combat purement juridique. Alors j’avoue avoir été un tout petit peu étonnée par le dénouement de l’affaire et donc du film de Curtis. Parce que, au travers du cas précis de Maria Altmann et du portrait d’Adèle Bloch-Bauer, c’est toute la question des œuvres d’art et de leur véritable propriétaire qui se pose. Et pas seulement pour les biens spoliés par les nazis mais pour tous les biens culturels exposés dans tous les Musées du Monde : des antiquités à la Joconde. On comprend bien que l’Autriche ait tout fait pour conserver un tableau de cette importance au mépris du droit, en tous cas moi je peux le comprendre. Mais évidemment, le droit le plus strict de Maria Altmann de récupérer ce qui lui appartient est tout aussi compréhensible et légitime. Ce film pose des questions historico-juridico-morales bien complexes et c’est à porter à son crédit. Quant au peuple autrichien dans son ensemble, il aura été montré par le film de Curtis sous un jour bien peu glorieux : fanatiquement nazi et antisémite en 1938 (mais bon, çà c’est quand même assez incontestable) mais surtout mal débarrassé de son passé en 1998. A Vienne, Maria et Randy ne rencontreront bien peu de sympathie. Les autrichiens de 1998 sont dépeints comme arrogants, un peu lâches et même, au détour d’une scène très courte comme encore vaguement antisémites. Là aussi, un tout petit peu de subtilité aurait été de meilleur goût, je trouve. Mais malgré ces défauts et ces petites facilités scénaristiques, « la femme au tableau » reste un moment de cinéma agréable, historiquement très utile, un moment de cinéma qui pose de bonnes questions sans y apporter de réponses définitives et moralisatrices.