Derniers Avis sur Monsieur Grégoire s'évade

Et bien voilà un film sympa qui nous emmène dans le monde de la pègre et de la confusion d'identité. C'est bien construit, pas très crédible en regard de la réaction du "héros" mais qui s'avère payant au fur et à mesure du film, qui devient croustillant plus on s'avance. Vous l'aurez compris, le début est particulier, un peu lent à se mettre en place, puis finit par captiver son public.
A voir par les amateurs de film policier

Un petit employé d'assurances tombe sous la coupe d'un bandit et maître-chanteur Tuffal (Jules Berry, évidemment) qui se méprend manifestement sur l'identité de Monsieur Grégoire.
Ce sujet alambiqué et stupide est du dénommé Jacques Daniel-Norman, lequel met en scène lui-même avec une totale médiocrité les mésaventures d'Alex Grégoire. C'est à ne plus savoir si le scénario est plus mauvais que la réalisation ou l'inverse. La question est ouverte, surtout quand on voit comment Jules Berry disparait de l'intrigue et du film.
Le quiproquo initial ne doit de perdurer que grâce à la sotte soumission du personnage de Bernard Blier et à l'aveuglement acharné dans lequel persévère Tuffal. Et si le sujet se dévoile petit à petit -et c'est d'ailleurs complètement indifférent- c'est au moyen, non pas d'idées de mise en scène, mais de bavardages intarissables auxquels prend part la jolie Madame Grégoire.
La dernière partie sombre, et Blier avec elle, dans le mauvais boulevard, avec ses incidents grossiers et ses gangsters puérils. En définitive, je me dis que je n'ai pas souvent vu Bernard Blier obligé de surjouer dans des emplois un peu niais.

Le début de ce vaudeville policier démarre sur les chapeaux de roue et se regarde avec un vrai plaisir d'autant que Jules Berry y est très bon. Hélas dans la seconde partie le film ne tient plus la distance jusqu'au final grotesque en forme de "victoire" de la morale alors qu'il fallait jouer la carte du cynisme (on meuble même avec une chorégraphie médiocre des Folies Bergère et avec un chanteur de bistrot catastrophique). Allez 4,5  pour la première partie, 1,5 pour la seconde, ce qui nous fera 3 de moyenne.

Après un début un peu banal l'intrigue se complexifie et on a droit à des bonnes scènes jouant sur les quiproquos et surtout sur quelques bons dialogues. tout de même les temps morts et le coté embrouillé du scénario ne permettent pas au film d'atteindre des sommets.

Juste après la guerre, Bernard Blier revenu considérablement amaigri suite à son internement en stalag, se doit de relancer une carrière prometteuse entamée avec des seconds rôles remarqués (« Hôtel du Nord », « Le jour se lève », « Entrée des artistes », 1938). S’il croit un temps endosser l’habit de séducteur, il en reviendra bien vite à son emploi premier, celui du chic type un peu naïf, aux coups d’éclats parfois inquiétants quand il prend conscience d’avoir été dupé. Cette comédie policière basée sur l’usurpation d’identité, genre de prédilection de Fernandel avant-guerre (« Un de la légion » 1936, « Barnabé » 1938, « Raphaël le tatoué » 1939) est tout à fait dans l’esprit de l’époque qui veut que l’aventure soit au coin de la rue. spoiler: Rien de plus drôle ou inquiétant, mais en tout cas efficace que de voir un pauvre quidam se débattre face à toute une faune qui le prenant pour un autre, s’étonne puis s’agace de ne pas le voir jouer la partition que l’on attend de lui. Vu de l'autre versant de l'intrigue, on jubile de voir le dupé se prendre progressivement au jeu, sa nouvelle identité lui offrant de quitter ses oripeaux de Monsieur tout le monde.
Blier se glisse avec gourmandise dans le rôle, se délectant de la variété de jeu qui lui est offerte par un scénario fort bien construit du réalisateur Jacques Daniel-Norman. Dans la première partie, Blier bénéficie de la présence à ses côtés du grand Jules Berry déjà croisé dans "Le jour se lève" de Carné, dont le bagout et le charme canaille d’aigrefin parigot font une fois de plus merveille. On ne s’ennuie donc pas une seconde en présence d’un Blier qui montre ici qu’il peut haut la main porter un film sur ses épaules ce qu’il sera amené à faire bien des fois quand il sera à son zénith à partir des années 60. On remarquera les yeux pénétrants de la très accorte Yvette Lebon qui en 2014 à 103 ans est la doyenne des acteurs français juste devant Danièle Darrieux et Suzy Delair (97 ans).