Véritable coup de cœur personnel au dernier Festival du cinéma américain de Deauville, « Sing street » est ce qu’on peut appeler un film réussi ! Véritable feel good movie à tendance musicale, ce film insuffle un vent de légèreté, d’audace et de valeurs qui nous font du bien ! Mélange improbable de films d’adolescents qui sent bon « Breakfast Club » et porté par une bande originale des plus réjouissante, ce film place la ville de Dublin au centre de notre attention. D’ailleurs, les années 80’ riment avec récession économique et nombreux sont les Dublinois qui partent par bateau pour tenter de trouver du travail en Angleterre.
C’est dans ce contexte difficile que nous retrouvons Conor, interprété par le jeune irlandais Ferdia Walsh-Peelo. Eblouissant dans son rôle, ce jeune musicien et chanteur de 16 ans nous livre ici sa première performance cinématographique. Quel naturel ! Gageons que nous entendrons encore parler de lui ! Accompagné à l’écran d’une bien belle façon, Lucy Diana Boynton (Raphina à l’écran), jeune britannique de 22 ans, ne laissera pas Conor indifférent. D’ailleurs ce dernier s’est lancé comme défi de constituer un groupe de musique afin de se rapprocher de la belle, de lui dédier ses chansons et de la faire apparaître dans ses clips ! Vous l’aurez compris, le véritable challenge ne sera pas tant de savoir si elle sera conquise… Nous par contre, nous le sommes !
Forcément, pour monter un groupe, il faut des musiciens ! Et c’est avec beaucoup d’optimisme que Conor caste ses acolytes dont la plupart sont à son bahut. Chacun apporte son expertise, sa vision du rock : d’ailleurs ils se chercheront beaucoup pour évoluer et trouver peu à peu « leur son » que Conor appellera « futuriste ». Ces scènes sont l’occasion pour le spectateur de se régaler tant l’humour est omniprésent !
Nombreux sont les acteurs « locaux » (entendez par là Irlandais) qui composent le casting. Nous ne pouvons taire leurs noms tellement leur performance est remarquable. Mark McKenna incarne l’ami de Conor, ainsi que les autres « musiciens » et proches apparaissant dans le film : Conor Hamilton, Karl Rice, Ian Kenny, Percy Chamburuka pour n’en citer que quelques uns. Pourtant, tous concourent à faire de ce film une petite pépite d’humour et de bonne humeur très contagieuse.
Ce long-métrage nous rappelle nos films d’enfance qui sentent bon l’amitié vraie, les premiers amours, l’insouciance des débuts et une musique au service de l’ensemble. Néanmoins ce serait réducteur que de ne parler que de ces éléments, certes très agréables, sans évoquer d’autres, plus sombres, qui apportent une belle densité à l’ensemble.
L’œuvre proposée est l’occasion pour le réalisateur de régler ses comptes avec ce qu’il a connu : une éducation catholique psycho rigide et dépassée, en décalage total avec la jeunesse. Aussi, l’éclatement familial est traité avec beaucoup de finesse : Comment continuer à vivre ensemble lorsque l’on ne s’aime plus ? Rappelons qu’à cette époque, le divorce était tout bonnement interdit (il sera autorisé en 1996 !). Les enfants sont souvent livrés à eux-mêmes et ne se retrouvent véritablement que devant la tv et l’émission « Top of the Pop » dont est fan le grand frère.
Parlons-en justement ; celui-ci est interprété par le très touchant Jack Reynor (à l’affiche de « Transformers 4 », « Macbeth », et « Glassland ») et sera là pour soutenir la famille. Plus qu’un second rôle, il sera véritablement le mentor du héros. Sa performance est éclatante, émouvante et très sincère. Il sera celui qui a arrêté de se battre pour sa liberté, qui n’a pu trouver la force de fuir ce quotidien pour embrasser ses rêves. Désormais son but est de les vivre par l’intermédiaire de son jeune frère, Conor. Il l’initiera au Rock, partagera ses opinions et plus important que tout…sera toujours là pour son petit frère.
Vous l’aurez compris, plus encore qu’un film d’adolescent, il s’agit aussi d’un film sur la famille. Saluons d’ailleurs les performances très crédibles des parents du héros joués par Maria Doyle Kennedy et Aidan Gillen (qui interprétait l’excellent Maire de Baltimore Thomas Carcetti dans la série culte « The Wire », mais aussi Lord Petyr "Littlefinger" Baelish dans « Game of Thrones »).
Le réalisateur irlandais John Carney n’en est pas à son premier coup d’essai puisqu’il nous a déjà livré le très pétillant « New-York Melody » avec Keira Knightley et Mark Ruffalo. Pour autant, c’est la première fois qu’il tourne avec des acteurs aussi jeunes. Il leur laissera d’ailleurs tout le champ de jeu possible en favorisant l’improvisation de ces jeunes talents.
Puisque les lieux de tournage ont très peu évolué depuis les années 80, il était facile de reconstituer cette temporalité. John Carney a eu cependant l’intelligence de proposer une patte moderne à sa réalisation afin de ne pas perdre le spectateur dans un décalage trop important et ainsi le laisser sur le bord de la route. Pour l’heure, avec son nouveau film, le metteur en scène dépasse le film musical et même le stade du microcosme d’un teenager chantant l’amour. Il nous livre ici une ode à l’enfance qui s’en va, aux liens du sang, à l’amitié et à l’amour qui naît. Et plus important que tout… un film centré sur la poursuite de nos rêves.