André Ovredal s'est fait connaître par son étonnant et sympathique "Troll Hunter" qui avait notamment réussi l'exploit d'apporter de l'originalité dans le genre déjà en bout de souffle du « found footage ». C’était donc avec une certaine impatience que j’attendais son nouveau bébé. Car non content de surprendre son public en trimballant cette fois-ci sa caméra vers un style plus soigné, calme et posé (pour faire simple : beaucoup moins bordélique !), le norvégien le troublera tout autant lorsqu’il fera bifurquer son thriller à mi-parcours vers quelque chose de moins commun et totalement fantastique. En effet, "The Jane Doe Identity" débute tout simplement par une scène de crime où l'on retrouve le corps d'une jeune femme : elle est envoyée aux légistes du coin (un père et un fils) qui vont donc tout faire pour identifier la demoiselle et savoir ce qui lui est arrivé....Bref, on a l'impression d'assister à un petit suspense à tendance policière avec examen du corps et succession d'hypothèses et de nouvelles preuves. Le film a l’élégance des bonnes séries B US avec son décor unique de morgue aux couloirs inquiétants, dont on sortira uniquement lors de l’introduction et de la conclusion du récit. Une petite atmosphère de mystère plane autour de la situation vu que la morte ne présente pas la moindre trace extérieure de maltraitance ou de violence. Alors débute l'autopsie, amenant une dissection forte alternant plan hors champs et autres bien gores. Puis apparaissent des indices déroutants, laissant nos légistes plus que perplexes car plus ils vont découvrir des choses sur le corps de Jane Doe, plus une opposition entre le cartésien et l’irrationnel va s'amplifier. Et c'est dans cette ambiance pesante et déjà un brin effrayante que Ovredal laisse intervenir le fantastique : des phénomènes sans explication vont se succéder (d'accord, il y a quelques facilités dont 2-3 jump-scares...mais je vous rassure, rien de totalement gratuit comme dans "Annabelle" ou totalement futile comme dans les "Paranormal Activity" !) qui, renforcés par les différentes révélations toujours plus effroyables et incohérentes, vont établir un véritable crescendo horrifique d'une puissance implacable ! Le film bascule alors dans le genre le plus pur, arrivant même à mélanger les thèmes de façon toute aussi originale que surprenante (thriller, secte, phénomènes surnaturels, possession diabolique, zombies...), devenant un terrible huis clos effrayant (la morgue a des allures de maison hantée !) et d'une efficacité à toute épreuve ! (
je vous défie de ne pas frissonner de tout votre corps lorsque le fils déclare « On a dépassé l’imaginable ! » : on sait à ce moment précis que le surnaturel sera de mise et qu'on ne pourra pas revenir en arrière !
). Un autre point fort du film vient de ses personnages : peu nombreux il faut le reconnaître (si on exclut l’intro et la conclu, ils ne sont que trois…donc une qui ne bouge jamais !!), mais ils sont particulièrement bien écrits et surtout Ovredal a donné carte blanche à de bons comédiens. En effet, Brian Cox et Emile Hirsch propose une prestation remarquable, hyper convaincante et crédible tant leur complicité devant la caméra est palpable. De plus, leurs divagations partielles sur leurs « petits problèmes familiaux » (très certainement des passages avec pas mal d’improvisation) apporte un petit côté léger et bucolique au sein de l’environnement extrêmement morbide au sein duquel ils exercent leur métier : cela permet d’instaurer un peu d’humour bienvenu…surtout avant la « terrible tempête » qui s’annonce. Un point spécial pour Olwen Catherine Kelly qui « incarne » la fameuse Jane Doe : élément central de l’histoire, le cadavre est avant tout là pour renforcer l’aspect claustrophobique du récit, et la prestation de Mlle Kelly est réellement impressionnante car elle doit assurer une certaine prestance sans jamais bouger d’un seul poil ! A chaque gros plan sur son visage, c’est un sentiment de malaise qui nous envahit et cela laisse toujours planer une certaine tension dans la salle principale, même lorsque Brian Cox et Emile Hirsch ne s’y trouvent pas physiquement (ce cadavre va-t-il ouvrir les yeux ? Bouger un peu ? Se relever d’un Coup ?...ou ne rien faire vu que c’est un cadavre ?) De la même façon qu’ont pu le faire "It Follows", "Don’t Breathe" ou "Get Out", "The Jane Doe Identity" réussit à donner un coup de jeune au genre : avec son esthétique plutôt soignée et sa tension qui va crescendo, André Ovredal nous livre un bon film d’horreur viscérale et de terreur pure. L’un des films les plus effrayants de l’année 2017 : laissez-vous tentez car il mérite le détour, et il faut avouer qu’il est fort agréable de croiser ce genre de divertissement dans les salles obscures en ce moment.