2000. J’ai 14 ans et, comme tout adolescent normalement constitué à l’époque, j’ai adoré Titanic deux ans plus tôt. Je suis donc le mouvement qui consiste à se ruer dans les salles pour le grand retour du roi Léo, d’autant que La Plage compte aussi dans son casting deux toutes jeunes stars du cinéma français, Virginie Ledoyen et Guillaume Canet. Le film se fait descendre par la critique, mais qu’importe, moi je « kiffe » et je fais pour l’occasion la découverte d’un réalisateur qui n’aura pas fini de me mettre des claques par la suite, Danny Boyle.
Douze ans après, si ma vision, parasitée par la nostalgie, reste forcément un peu subjective, les arguments objectifs ne manquent pas pour qualifier La Plage d’adaptation réussie du roman d’Alex Garland. Bien sûr l’ombre d’Hollywood plane sur le premier (et seul vrai) blockbuster de Boyle. Le réalisateur s’est vu imposer DiCaprio au détriment de McGregor ; le héros initialement britannique devient américain ; et l’amour platonique entre Richard et Françoise se transforme en idylle romantico-dévastatrice (c’est quand même pas une petite frenchie qui va résister à Léo !). Mais dans l’ensemble, Boyle et son scénariste John Hodge ont parfaitement su condenser le riche ouvrage de Garland, en épurant le nombre de personnages et d’intrigues, tout en conservant les thèmes majeurs du roman : la recherche de l’éden à tout prix, la volonté de l’Homme de dominer la nature et de se prendre pour Dieu, son égoïsme dans sa recherche du bonheur et sa quête d’absolu, et le portrait d’une génération nourrie aux jeux vidéos et aux films sur la guerre du Vietnam. Seul le final est beaucoup plus édulcoré que dans le roman, mais sa transcription à la lettre aurait facilement pu sombrer dans le grand guignol. Boyle et Hodge se rattrapent cependant avec un épilogue bien meilleur que celui du roman, par son ironie et son réalisme, encore plus actuels douze ans après.
Côté mise en scène, si de nombreux amateurs de la « Bag of Money Trilogy » ont trouvé le réalisateur trop sage, il est cependant indéniable que La Plage porte l’empreinte de Boyle. Rythmé par une délicieuse BO (du tube pop du moment des All Saints à la découverte de Moby), le film oscille entre vision onirique et paradisiaque (la découverte de la plage sur Porcelain, le fantasme d’adolescent romantique de la séquence de nuit sur la plage…) et folie et cauchemar (suicide de Daffy, dernière partie entre jeu vidéo et mini guerre du Vietnam…), le tout magnifié par la superbe photo de Darius Khondji, et le montage efficace de Masahiro Hirakubo.
Côté casting, si DiCaprio n’était pas le premier choix de Boyle, il n’empêche qu’il éclate au grand jour dans ce rôle charnière de sa carrière. Car s’il conserve son côté de star des midinettes en apparaissant les trois quarts du temps le torse à l’air, le caractère finalement assez complexe de son personnage dont il ne lisse jamais le côté sombre, le fait basculer dans la catégories des acteurs plus adultes. A ses côtés, on découvre une Virginie Ledoyen en symbole de la sensualité et de la tentation, un Guillaume Canet en seul vrai personnage humain du film, et une Tilda Swinton en divinité despotique autodéclarée.
Si exempt de toute pression hollywoodienne, La Plage aurait pu être encore meilleur, il n’en est pas moins, en l’état, un blockbuster intelligent qui ne trahit pas le roman d’origine, et peut se venter d’une interprétation irréprochable et de porter tout de même l’empreinte de son réalisateur.
Toutes mes critiques sur http://le-monde-de-squizzz.fr/