Atypique. The Beach de Danny Boyle a quelque chose de perturbant. Un ensemble très réussi mais une sensation de malaise dès que l'écran devient noir, comme s'il manquait un élément, un seul, à ce film. Au début, tout est clair, explicite. Un touriste en quête d'aventures et de liberté. Classique, dirons-nous. Oui mais non. Le rôle que joue le personnage principal est plus complexe qu'il n'y parait.
Les premières explications sont des plus parlantes, pas d'informations futiles, de remplissage inutile, juste un jeune homme, Richard (Leonardo DiCaprio) en narrateur d'une histoire dont on entrevoit déjà toute l'originalité. Ce trio qui va partir à la recherche d'un mythe est touchant, il se révèle rapidement comme un triangle amoureux mais les personnages n'en restent pas moins conscients de la place qu'ils occupent. Leurs relations en restent alors très saines. Les dialogues, qui mettent en place chaque caractère de manière précise sont justement dosés pour intégrer dans chaque réplique ou presque l'idée même du long-métrage. Le passage des photos du ciel prises en pleine nuit est d'ailleurs l'une des séquences marquantes et explicites (qui m'a d'ailleurs tout de suite fait penser à Another Earth).
Arrivé dans ce lieu présenté comme un paradis sur terre, tout semble agréable, simple, parfait. On a presque envie de faire nos bagages et d'aller les rejoindre. Une communauté qui vit en parfaite autonomie, à la recherche du bonheur, de l'"idéal". Oui, mais...
... Il est intéressant de constater que cette recherche du monde parfait implique une incompatibilité évidente avec les êtres humains. Dans un paradis, il n'y a pas (plus) de place pour la souffrance, et c'est avec ce refus de souffrir ou de voir souffrir quelqu'un que l'on va retrouver les limites d'une telle idéologie. Plus que de chercher à rendre leur existence la plus paisible possible, ils cherchent à éliminer ceux qui n'y correspondent plus (les "parasites"). ils deviennent donc prisonniers de leur propre mode de vie, puisqu'ils s'imposent des comportements égoïstes pour garder un semblant de perfection. Ils s'adonnent quelque part à s'enlever une part de leur humanité pour exercer un simulacre de paradis. Comme s'ils vendaient leurs âmes au Diable, assez contradictoire...
On se rend compte que leurs avis sur le monde extérieur est très péjoratif. Ils évoquent la terre comme un lieu sacré, que les hommes auraient tournés en enfer, et que pour retrouver ce "lieu sacré", il faut s'isoler complètement du reste de la société. Finalement, ce n'est pas cette plage, cette île paradisiaque, qui sont parfaits, mais les membres de la communauté (Sal le dit mot pour mot à un moment dans le film, d'ailleurs).
Nos trois héros apportent donc la clé à cette incompatibilité, d'une manière discrète, et ouvrent la porte vers un retour à la "normale". Puisque nous suivons le film du point de vue, unique et subjectif, de Richard. Nous pensons, tout comme lui, au fil des minutes, que ce qu'il fait est toujours juste et logique. C'est le cas, de son point de vue, mais pris d'une appréciation plus globale, moins personnelle, on se rend compte qu'il n'apporte que destruction, chaos, et que l'ensemble de ses actions mènent à la ruine cette communauté. Mais une ruine qui est nécessaire et inévitable, pour faire sortir ces rêveurs d'un monde illusoire, qui n'est pas et ne doit pas être à la portée des hommes, puisque cela contribuerait à renier l'essence même de la vie.
Ce que je regrette en fin de compte, ce sont certains aspects qui ne sont pas finalisés ou pas exploités au mieux. L'influence de Daffy, personnage ô combien important, ne se fait pas assez ressentir. Tout comme la relation Richard/Françoise n'est pas assez poussée (ce qui rend la fin frustrante). J'aurais aimé que ça parte encore plus dans tous les sens, la chute rejoint trop rapidement la conclusion, qui n'apporte pas toutes les réponses souhaitées.
Et si The Beach reste tout de même une bonne expérience, à travers l'atmosphère prenante qu'il arrive à appliquer grâce aux images, aux musiques et aux personnages, il lui manque LA séquence qui pourrait faire de lui un film incontournable. Cela dit, le thème de la liberté et de la question de la recherche du bonheur est abordée avec beaucoup de passion, et rend donc le long-métrage très agréable.