Pour commencer, je trouve que la dénomination « biopic » est un peu optimiste (entendre : mensongère), parce qu’il suffit d’ouvrir une page Wikipédia sur Joy Mangano pour se rendre compte que des personnages ont été soit complètement passés à la trappe (son troisième enfant), soit inventés de toutes pièces (la belle-sœur par exemple. Son rajout est d’ailleurs l’élément le plus manichéen du fil, une trouble-fête sans aucune profondeur dont on aurait pu se passer). L’adaptation manque donc parfois de réalisme (il n’y a d’ailleurs aucune image d’époque de Mangano), sans même parler de sa construction parfois bancale. Je n’ai notamment jamais compris l’intérêt de la narration en voix-off qui, omniprésente au début, disparaît pendant les trois quarts du film et revient subitement à la fin. Heureusement, David O. Russell est plus inspiré lorsqu’il s’agit de dépeindre une famille dysfonctionnelle (ce qui fait partie de ses classiques) et, comme d’habitude, les scènes familiales sont les plus réussies. On peut certes en avoir assez de voir Robert De Niro toujours utilisé dans le même registre, mais les scènes de vie quotidienne de cette mère de famille aimante, débordée et souvent au bord du gouffre financier, sont à la fois d’une simplicité et d’une justesse remarquables ; au risque de me répéter au fil de mes critiques, la prestation de Jennifer Lawrence est encore une fois magnifique. De même, la relation mère-fille est touchante ; ce sont dans ces moments que l’on se sent le plus proche émotionnellement du personnage principal : au-delà de sa ténacité (et du vu et revu rêve américain), on compatit d’autant plus avec ses désillusions que l’on voit l’impact qu’elles produisent sur l’ensemble du cercle familial. Il est franchement dommage, en comparaison, que les passages « vie professionnelle », quoique présentant suffisamment de rebondissements pour conserver un certain rythme, manquent de mordant et soient souvent convenus. De ce point de vue, j’ai trouvé le début du film, avec une majorité de « scènes de vie quotidienne », beaucoup plus réussi que la fin, qui s’essoufflait peu à peu. En somme, mon avis est partagé entre ma grande appréciation pour les instants plus intimistes, simples et puissants du film, et mon scepticisme devant un scénario pas forcément inspiré et aux écarts par rapport à la réalité douteux ; ce n’est pas un film dépourvu d’intérêt, mais clairement pas non plus au meilleur niveau de ce que David O. Russell a déjà pu proposer.