Considéré comme le plus sûr de Rio, le quartier Barra da Tijuca est en plein développement. De grands immeubles en construction côtoient les résidences récentes qui accueillent déjà les classes moyennes supérieures de la ville. En son cœur, un immense terrain vague semble remplir le rôle que tiennent les sous-sols des films de genre américains, celui de réceptacle de toutes les peurs et des pulsions enfouies.
Mate-me por favor utilise les codes du teen-movie et des telenovelas et les teinte d'un climat d'angoisse allant crescendo. Il ne faudrait rien craindre et se préoccuper seulement de flirts et de fêtes d'anniversaire, mais voilà qu'il se passe quelque-chose d'extraordinaire. Sonnant d'abord comme un film de filles qui se racontent des histoires et confrontent leurs rêves (cauchemars et fantasmes sexuels mêlés) à la réalité d'un crime commis lors d'un mystérieux prologue et suivi par d'autres meurtres sanglants, le film se concentre bientôt sur Bia, adolescente avide de découvertes et sur son grand frère João cherchant à (re)prendre contact avec un amour disparu (réel ou virtuel).
Les autres personnages construisent un à un le portrait d'une jeunesse tiraillée entre le besoin d'appartenir à un groupe et celui d'exister pour soi. Entre le petit ami de Bia fasciné par une pasteure new look prônant l'abstinence tout en chantant que le sang est source de vie et les amies de l'adolescente en quête d'amour et de reconnaissance, chacun semble évoluer sur une piste de danse dont les hauts-parleurs diffuseraient les échos d'une guerre lointaine.
Le film avance au rythme de deux mouvements désynchronisés, moteurs de l'être humain, la pulsion de vie et la pulsion de mort. C'est aussi le carburant des personnages et principalement de Bia dont la fascination pour la mort la conduira bientôt à se mettre à l'écart. Ainsi, alternant vivacité et lenteur, Mate-me por favor étire le temps au gré d'une narration syncopée dont les ruptures de ton nourrissent les interrogations d'une histoire qui s'opacifie peu à peu.
Le rapprochement avec le cinéma de Gregg Araki est assez évident dans la manière dont Anita Rocha da Silveira construit des séquences pop, parfois kitsch en les enveloppant de mystère. Le film passe constamment de la lumière à l'obscurité, de la légèreté à l'angoisse, du soleil vif aux recoins sombres, habitant les mêmes décors à toutes heures du jour et de la nuit, la station de bus, le terrain vague, les immeubles lointains.
La caméra est sûre d'elle, l'image est belle, le cadre précis, la composition des plans sophistiquée. La cinéaste nourrit son film de multiples détails venant un à un amplifier le trouble qui le hante. Entre la pasteure semblant sortie d'une émission de télé-réalité qui chante l'amour de Jésus, les blessures apparaissant soudain sur les corps des lycéens et la fascination que tous semblent partager pour le sang, le sous-texte sexuel est évident. Il s'agit finalement de quête de liberté, de désirs mêlés, de tous les questionnements de l'adolescence.
Mate-me por favor s'inscrit clairement dans la mouvance d'un cinéma moderne qui sait mêler les genres pour nourrir une forme romanesque alerte et contrastée. Brillamment interprété, superbe formellement et subtilement construit, utilisant les codes pour mieux se structurer, le premier long métrage d'Anita Rocha da Silveira est vrai plaisir de cinéma.