Cela aurait pu être "bien" (voire "très bien"!) rien que pour l'interprétation de Julianne Moore. Elle est comme le bon vin, on l'apprécie avec l'âge et elle devient juste meilleure d'année en année, alors que ses rôles peuvent paraître inaccessibles et difficiles. C'est un type à part d'actrice, particulier et magique. On apprend donc à l'apprécier et l'admirer. Elle ose, se met à nue (au propre comme au figuré selon les films) et expérimente avec maîtrise et immense talent. Le film s'est elle! Elle est ni pathos ni démonstrative. On a juste l'impression que sa déchéance est réelle et sa lutte pour sa survie mentale acharnée, alors que sa déchéance est inévitable et donc insupportable. Voilà pour le "bien" MAIS pour le reste, c'est assez plat et commun. Rien de neuf. Les seconds rôles sont passables. Encore une fois, on est souvent dans le cliché de la superbe famille de bobos New Yorkais, intellectuelle et toute jolie, remplie d'amour les uns pour les autres (ou presque avec les soeurs) qui va soutenir avec une telle patience et force cette maladie, presque sans jamais de heurts. Le cliché aussi provient du couple lui-même : Monsieur se jette dans le travail ok mais au fur et à mesure de la déchéance de son épouse, on ne sent pas qu'il percute qu'il la perd et devrait profiter de ses derniers instants de lucidité entre eux. C'est comme si presque rien n'avait changé dans son quotidien, malgré les quelques jolis moments passés ensemble (notamment dans le sublime maison de "campagne" remplies aussi de clichés!). La réalisation est assez "classieuse" mais un effet flouté ou brillant sur l'image accentue ce sentiment d'irréalité de l'ensemble, comme dans un (mauvais) rêve. On ressent comme une compensation par l'image (aseptisée donc) de la gravité du sujet traité. Le rendu est agaçant et renforce l'idée d'un téléfilm chic pour les après-midi de TF1! Deux moments survolent l'ensemble : le discours à la conférence Alzheimer. Le texte est magnifique, renforcé par le sentiment qu'il est bel et bien éphémère, comme le temps qu'il lui reste à être combattante, que la maladie la ronge et la tuera malgré son énergie et ces mots. C'est ici que l'actrice montre son immense talent : pas de démonstration, pas d'esbroufe, simple et vraie. On en revient encore et toujours à Julianne Moore : elle transcende tout et rend ce rôle, perdu à l'avance, crédible. Deuxième moment : quand l'héroïne (oui c'en est une!) se découvre à l'écran, expliquant alors à elle-même comment se suicider. Moment douloureux puisqu'on espère qu'elle y arrive! Maladie odieuse. Ce film fait presque espérer un miracle alors qu'il n'y en a aucun, la déchéance arrive à grand pas et il n'y a alors rien d'autre à faire que profiter des derniers instants de bonheurs. Film qui renvoie à la fugacité des choses et que nous ne sommes rien par rapport à la "nature". Pour preuve, la scène où Julianne Moore réveille son mari pour lui annoncer ses craintes, pas encore vérifiées pourtant par un médecin, elle lui hurle et elle hurle sa détresse de sentir qu'elle part déjà, qu'elle n'est déjà plus que l'ombre d'elle-même. Que la nature est déjà la plus forte, que nous ne sommes rien face à elle, y compris, bien paradoxalement, cette femme à l'esprit supérieur, qui aura passé toute sa vie à le faire travailler et le développer, qui croyait aux mots et à leur magie. Déchirant!