« Sausage Party », le film d’animation de Conrad Vernon et Greg Tiernan, fait beaucoup parler de lui à cause (ou grâce) à ses petites scènes lubriques pour adultes et ses gros mots à foison. En réalité, ce film, qui ressemble dans sa forme beaucoup à un film de Pixar ou de Disney (petits objets qui parlent, chansons, animation soignée et rythme infernal), est bien plus qu’un film scabreux pour des adultes attardés. « Sausage Party » est un film qui aborde des sujets profonds (pour ne pas dire carrément métaphysiques parfois) avec un humour qui est d’autant plus cinglant qu’il est enrobé dans une apparente vulgarité, un peu comme une cacahouète d’acide enrobée dans un chocolat. On n’y prend pas garde tout d’abord, occupé que l’on est à rire des bons mots un peu graveleux du scénario mais très vite, on devine que ledit scénario va aborder des sujets sensibles, bien casse-gueule, bien polémiques. Même s’il le fait parfois sans finesse, il le fait, et venant d’un film américain, on est quand même un peu (et heureusement) surpris. La Foi contre la Connaissance, le conflit Israélo-Palestinien, la condamnation par la religion de l’homosexualité, et même de la sexualité tout court, quand on regarde « Sausage Party » dans son ensemble, on y voit davantage un film profondément athée qu’un film cochon ! Alors oui, certaines vannes flirtent avec le mauvais gout (les allusions à la Shoah ne sont pas les plus réussies, et je ne parle même pas de la douche vaginale ivre de vengeance…) mais d’autres sont carrément drôles (le tacos lesbienne, ou le pain libanais qui croit dur comme fer qu’au paradis il sera accueilli par 77 bouteille d’huile d’olive extra-vierge !). Et puis, l’essentiel c’est que c’est la Connaissance et même la Science (sous la forme d’un chewing-gum directement inspiré par Stephen Hacking) qui triomphe d’un obscurantisme religieux qui condamne les croyants à la soumission éternelle. Cette dualité, parfaitement illustrée par une conversation entre la saucisse Franck (qui veut savoir, qui veut des preuves) et le petit pain Brenda (qui ne veut surtout pas chercher à savoir, qui préfère croire et obéir en retournant sagement dans son emballage), c’est l’axe central du film. C’est ça, l’intérêt de « Sausage Party », et non ses allusions graveleuses et sa scène finale d'orgie alimentaire, bien plus drôle et inventive que choquante ! On peut être un peu navré parfois par l’enrobage un peu vulgaire du propos, le peu de finesse de certaines scènes mais le fond du film est suffisamment subversif pour justifier qu’on aille en salle découvrir ce film de saucisse, pour peu qu’on ait plus de 12 ans évidemment… Et puis, quand on aime le cinéma, on s’amusera aussi à repérer les nombreuses références cinéphiliques du scénario : de « Terminator » à « Il faut sauver le Soldat Ryan », en passant par « Stargate », les westerns, les films d’actions, les films d’horreur, c’est tout le cinéma de genre qui se retrouve honoré et illustré par des saucisses à hot-dog, des bouteilles d’alcool fort, des pains de toutes origines, des légumes de toutes tailles, des fruits de toutes formes, des bouteilles de ketchup et des pots de moutarde ! Très inventif (comme dans toute bonne comédie, c’est une idée ou un gag toutes les 10 secondes), subversif, franchement drôle par moment, dialogué plus finement qu’on pourrait le penser, hyper rythmé et agréable à l’œil comme à l’oreille, « Sausage Party » mérite bien qu’on aille se rincer l’œil au cinéma.