Triste constat que la projection de « AMNESIA », dans une grande salle vide après seulement quelques jours d’exploitation. Pourtant, au vu de l’œuvre rare mais variée de Barbet Schroeder, dont la Chaine Arte repassait hier soir son excellent « MORE », je trouve que cette indifférence ne se mérite pas même si le film, paradoxalement, ne nous mérite pas nous plus.
Navré de ne pas avoir aimé « AMNESIA » pour trop de défauts qui nuisent au charme qui aurait pu faire que l’on pardonnerait ces derniers. Pourtant, j’y allais curieux et enthousiaste tant j’aime la carrière de Schroeder. Des défauts majeurs, donc, comme des détails frustrants rendant ce film beaucoup trop perfectible. On ne peut que saluer les paysages magnifiques, le thème du passé et du poids allemand et du conflit intergénérationnel, et même la musique sur fond de techno des 90s apporte une touche certaine (excellent générique de début, soft et même entrainant, d’ailleurs).
Mais cette histoire « d’amour » entre les deux héros (Martha et Jo) est trop gauche pour que l’on puisse y croire tant les deux comédiens jouent… assez maladroitement. Ils sont théâtraux au possible sans qu’on ne ressente jamais la supposée attirance amoureuse entre eux (il s'agit plus d'une complicité d'une grand-mère avec son petit-fils ce qui n’est pas le thème). Leurs promenades, dialogues, petits sourires, rires, repas et scènes de pêche… et dialogues parfois risibles -- notamment vers le milieu du film où Jo commence à faire sa déclaration d’amour à Martha… Gênant car mièvre; jusqu’à la dernière scène finale où Jo fait sa grande déclaration, également trop mal jouée pour être plausible -- font que cette "histoire d'amour" n'apparait pas crédible. Pris indépendamment, j’aime beaucoup Marthe Keller et je respecte Max Riemelt, mais dans « AMNESIA » je les trouve tous deux (surtout Riemelt) maladroits. Attachants mais trop maladroits dans leur jeu. Bruno Ganz et Corinna Kirchhoff sont nettement plus vrais et leurs scènes sont pour moi les plus réussies du film.
On se pose d’autres (et trop) de questions de crédibilité, d'ailleurs… Pourquoi Jo et ses deux amis, allemands, se parlent en allemand entre eux tout le long du film puis se parlent subitement en anglais, toujours entre eux, dans cette scène en discothèque ? Pourquoi voir en arrière-plan des voitures modernes quand le film se déroule en 1990 ? Question langue également, l’accent allemand prononcé de Marthe Keller et Max Riemelt rend leur anglais souvent incompréhensible – ce qui est peut être voulu par le réalisateur…. Pour ma part, je parle couramment les deux langues et j’ai dû pourtant souvent me fier aux sous-titres pour la compréhension. D’autres scènes sonnent faux : celle de Martha qui, après 50 années de déni de l'Allemagne et de sa langue, en une soirée seulement après que Jo ait percé son secret, se dit avec un sourire que finalement parler l’allemand lui manque et qu’elle a peut-être été injuste tout ce temps envers son pays et ses compatriotes; celle du grand-père qui toute sa vie durant a fait croire à sa famille qu’il était un héros de guerre et qui, en un repas, en une minute et face à une inconnue, avoue la vérité aux siens sur son passé de SS... Pour parfaire le tout, un happy-end 10 ans après sur fond de coucher de soleil qui achève un film d'une lenteur laborieuse.
« AMNESIA » est un ensemble lent, linéaire et instable qui frise quelque peu l’amateurisme de forme -- un comble. Cet avis et cette critique ne regardent que moi.