On aurait aimé applaudir sans arrière pensées le dernier film de Barbet Schroeder, par ailleurs fort séduisant. Depuis More, ça fait un bail, le réalisateur sait en faire, des films séduisants.... En plus, il avait un excellent sujet. Les plus casse-gueule, en fait...
Martha, allemande, vit à Ibiza. Elle a voué à son pays natal une haine tenace. Non, elle ne boira pas de vin du Rhin, non, elle ne roulera pas en Volkswagen, et non, elle n'ira pas en Allemagne régler une histoire de succession même si son entêtement empoisonne la vie de sa famille, frères et cousins restés là bas. Elle reproche aux allemands de ne pas s'être réellement dénazifiés, démarqués d'un sale passé, repentis. Il est vrai que son premier grand amour (on se demande d'ailleurs si elle en a vraiment connus d'autres), son professeur de violoncelle juif, a disparu dans la tourmente. Première petite gêne pour la féministe qui sommeille en moi: les femmes seraient elles donc incapables d'avoir une réflexion politique indépendante de leur vécu sentimental?
Jo (Max Riemelt), son nouveau voisin, vient sonner à sa porte. Berlinois, il cherche à percer comme DJ dans la Mecque de l'électro. Immédiatement: coup de foudre amical. Enfin, amical, et plus si affinités, car le plus gênant de l'histoire (outre le fait qu'on comprend mal que l'acerbe Martha puisse être désarmée en un clin d'œil) c'est ce petit côté Harold et Maude, totalement improbable. Un charmant jeune homme dans le vent (DJ!) comme notre Jo peut se prendre d'amour pour une femme de l'âge de sa mère, peut être, mais de l'âge de sa grand-mère..... faut pas pousser mémé dans les orties.
Bref, nos deux deviennent inséparables, Martha s'initie aux merveilles de la musique électronique. Jusqu'au jour où débarquent la mère et le grand père de Jo, et là, le passé refait surface.
Confrontation parfaitement improbable avec grande scène limite larmoyante de notre cher Bruno Ganz, (ce Pappy que jusque là Jo prenait pour un Juste, et qu'il adorait, ce Pappy qui lui a appris à pêcher et lui racontait des histoires!) On se demande bien pourquoi il se mettrait à livrer sa vie devant une harpie, mais
l'échange entre les deux femmes (la mère de Jo est médecin) est très intéressant . C'est quoi, le courage? Partir pour se donner bonne conscience, ou rester et se battre pour reconstruire un pays en ruines? On est au cœur du débat actuel entre les intellos donneurs de leçons, et les pragmatiques qui mettent les mains dans la sciure....
Une question: pourquoi Marthe Keller se balade t-elle perpétuellement avec le sourire niaisement béat du ravi de la crèche (cherche t-elle à faire concurrence à Juliette Binoche?
Ne nous cachons pas qu'une des séductions du film tient au décor incroyable dans lequel il se déroule. Moi, j'imaginais qu'Ibiza était un endroit complètement pourri, mais là on est en pleine nature, une nature sublime, des côtes abruptement découpées et une garrigue exubérante, et la maison de Martha, cube blanc irrégulier accroché à flanc de colline et noyé de végétation, c'est exactement la maison de mes rêves....
Bref, pas convainquant, mais fait passer quand même un moment agréable.