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    Une Enfance
    Anecdotes, potins, actus, voire secrets inavouables autour de "Une Enfance" et de son tournage !

    Retour à la simplicité

    Après avoir réalisé Avant l'hiver, un film extrêmement cinématographique de par son casting quatre étoiles, l'utilisation du format de cinémascope et un soin particulier accordé à son esthétique, Philippe Claudel a souhaité revenir à plus de simplicité pour son quatrième long métrage, avec une équipe technique très réduite et des acteurs pour la plupart inconnus du grand public :

    "Je voulais avoir plus de liberté, de réactivité, de souplesse dans mon travail, être mobile sur les lieux de tournage. J’étais décidé à faire en sorte que la technique soit l’accompagnement d’une volonté artistique et pas l’inverse. S’ajoutait à cela le désir de travailler avec des visages méconnus ou inconnus afin de confronter le spectateur à un univers proche du sien, dans lequel il pourrait aisément se reconnaître ou reconnaître des gens qu’il pourrait croiser dans la vie. Et puis, je rêvais depuis longtemps de filmer la petite ville où je suis né et où je vis, une ville singulière, mi industrielle, mi campagnarde, et dont la composition sociologique permet de parler d’une certaine France d’aujourd’hui."

    Une ville cinégénique

    L'action du film se situe dans la petite ville industrielle de Dombasle, en banlieue Nancéenne où le réalisateur a passé toute son enfance et vit encore et toujours. Au-delà de l'aspect purement affectif qui le lie à sa ville de coeur, il tenait à montrer toute la cinégénie du lieu qui est notamment dû à l’intrication de la nature dans la ville : "On passe sans transition d’un champ avec des vaches à un entrepôt industriel, des bords bucoliques d’une rivière ou d’un canal au corps monstrueux et bruyant d’une sorte de haut-fourneau. La nature est présente partout (...). Les cartes semblent battues d’une façon qui n’existe plus guère aujourd’hui où les paysages sont soit industriels ou postindustriels, soit campagnards. Ici, tout coexiste, tout cohabite, tout s’interpénètre. Visuellement, c’est bien entendu quelque chose de formidable à exploiter, et cela permet aussi d’enrichir la psychologie et le parcours de Jimmy."

    Témoignage d'une époque

    Une autre particularité de Dombasle, c'est sa mixité sociale, avec des maisons bourgeoises qui peuvent côtoyer une cité ouvrière comme celle qui sert de décor principal au film et qui n'est pas sans rappeler les maisons que l'on peut trouver dans le nord de la France avec leurs briques rouges. Une Enfance peut d'ailleurs être considéré comme un témoignage de cette réalité sociale puisque les maisons qui jalonnent la rue dans laquelle habite le personnage de Jimmy ont toutes été rasées et détruites à l'issue du tournage.

    L'aube de la vie

    Après avoir traité le fait d'entrer dans l'hiver de sa vie et de perdre de vue ses illusions et ses rêves dans son précédent long métrage, Philippe Claudel souhaitait aborder, ici, le thème de l'enfance : "Comment l’innocence, la joie et le désir d’insouciance qui caractérisent ordinairement l’enfance, se heurtent à la violence de situations psychologiquement âpres, à des injonctions, des demandes, des choix auxquels un enfant ne devrait pas être soumis. Jimmy est au coeur de forces mécaniques contraires. Il a envie de vivre son enfance mais il ne peut pas le faire vraiment car pèsent sur lui des responsabilités qui ne sont pas de son âge", explique-t-il.

    Effets collatéraux

    Même si cela n'est pas clairement énoncé dans le film mais néanmoins suggéré, les personnages de Pris et de Duke, interprétés respectivement par Angelica Sarre et Pierre Deladonchamps, ont probablement connu une incarcération en prison, un lieu que le réalisateur connaît très bien puisqu'il y a enseigné durant près de douze ans. Son roman "Le bruit des trousseaux" et son premier film Il y a longtemps que je t'aime en étaient déjà fortement imprégnés tant il aura été marqué par le constat des "effets collatéraux de l’enfermement, sur les êtres, sur les familles de détenus, et aussi comment la prison est un habit qu’on ne peut jamais enlever, même quand on n’y est plus détenu."

    Eviter le pathos

    Avec Une Enfance, le metteur en scène tenait à éviter toute forme de misérabilisme et ne souhaitait pas utiliser les codes du mélodrame qu'il avait déjà explorés dans son premier film. Il comptait surtout réaliser une chronique, "à la fois sociale et poétique, pudique et violente. Même si Jimmy ne sourit jamais, ce n’est pas un gamin à la Dickens. (...) il a des moments de satisfaction, et, autour de lui, quelques éléments de stabilité : le petit frère qui amène un peu d’insouciance et d’amour, la grand-mère, le vieux voisin, l’entraîneur de tennis, l’instituteur qui a parfaitement compris qui il était et ce qu’il vivait mais ne peut pas grand-chose pour lui. Cette impuissance des adultes bienveillants est d’ailleurs un des éléments les plus tragiques du film : Jimmy est vraiment seul."

    Mère et fils

    A travers Une Enfance, Philippe Claudel a cherché à confronter son personnage principal à différentes formes d'amour, que ce soit dans son rapport avec son petit frère, sa grand-mère ou encore Lison, sa copine d'école, mais surtout avec sa mère, avec laquelle il vit une relation complexe et ambigüe du fait qu'il est plus souvent contraint de s'occuper d'elle qu'elle de lui : "Il doit surtout réapprendre cette femme, cette grande adolescente qui après des années de dérive et d’éloignement doit assumer son rôle de mère mais en semble presque incapable. Tous deux s’aiment, là n’est pas la question, mais il leur faut trouver les moyens de vivre cet amour, de lui donner sens et chair (...). Il y a un amour complexe mais partagé. Jimmy est la plupart du temps beaucoup plus fort qu’elle, et c’est bien sûr un paradoxe."

    Allusion politique

    A un moment du film, il est clairement fait mention de l'Affaire Cahuzac quand Jimmy écoute l'ancien ministre s'expliquer à la télévision sur sa fraude fiscale. Le réalisateur explique qu'il tenait à montrer "cette confrontation entre l’innocence d’un enfant, dont l’homme politique est censé protéger la vie et préparer l’avenir, et les agissements immondes, les mensonges de cet homme politique."

    La peur du monde

    Pour les personnages de Pris et de Duke, le metteur en scène voulait en faire avant tout des personnages se réfugiant dans leur propre part d'enfance, incapables d'avancer dans la vie, préférant critiquer tout et tout le monde sans jamais se remettre en question : "Duke attend qu’on s’occupe de lui. Il s’est trouvé un nid. C’est un coucou. Pris quant à elle n’est pas une sotte : elle est fragile, influençable, velléitaire, amoureuse et dépendante. Si la drogue circule dans ce film, la plus toxique pour elle est sans doute Duke lui-même davantage que l’héroïne. Il exerce sur elle une domination mentale, physique, sexuelle."

    Accent local

    Philippe Claudel étant un homme de lettre et poursuivant son travail de romancier en parallèle de ses réalisations pour le cinéma, il tenait à accorder une place importante aux dialogues. En effet, le film dégage une certaine violence qui se retrouve notamment dans le langage de Duke, qui ne possède ni les mots ni la culture pour exprimer toute sa rage intérieure et son mal-être. Le réalisateur tenait également à accorder un soin important à l'accent propre à la banlieue nancéenne. Accent que Pierre Deladonchamps n'a eu aucun mal à imiter puisqu'il est également originaire de cette région.

    Un décor de toujours

    Le metteur en scène a bien fait savoir qu'il ne s'agissait nullement d'un film autobiographique. Mais les lieux qu'il a filmés lui sont très intimes, car il les fréquente pour la plupart depuis son enfance : "Les chemins, les coteaux, les champs, les boqueteaux où je me promène sont ceux-là même où je me promenais enfant. Quand je vais à la pêche, c’est au bord des mêmes canaux, des mêmes étangs, des mêmes rivières que jadis. Nous traversions le barrage sur la Meurthe pour aller explorer l’Île aux corbeaux, comme Jimmy et Kevin le font dans le film (...). Dans la scène où les enfants boivent de l’eau dans le cimetière, on voit dans l’arrière-plan la maison de mes parents qui sont morts maintenant. Ma maison d’enfance. Le cerisier sur lequel ils chapardent les fruits a été planté par mon père. Il y a dans tout le film une matière très intime, des échos constants à ma vie passée, à ma vie présente."

    "Lonesone Cowboy"

    Pour le réalisateur, l'image même de la ville de Dombasle, véritable mélange entre le monde industriel, très agressif d'un point de vue visuel et sonore, et le milieu plus apaisant de la campagne, devait être une métaphore de la vie de Jimmy qui "supporte les agressions et se ressource au contact de l’eau, des fleurs, des champs, des sentiers sur lesquels sans fin il fait du vélo. Le vélo est un avatar du cheval du "lonesome cowboy". Lorsque Jimmy l’enfourche, il maitrise sa liberté. En quelques coups de pédale, il décide de sa vie et se retrouve ailleurs, au coeur d’un lieu primitif, apaisant et majestueux, infini, où tout est possible. Il accède à une dimension du monde qui le dépasse et le réconforte. Cela me plaisait de contrebalancer la complexité noire des êtres par des visions heureuses de nature, mais aussi de foule comme celle du bal populaire où les gens rient et dansent."

    Trouver la perle

    Une Enfance marque les débuts au cinéma des deux jeunes comédiens, Alexi Mathieu et Jules Gauzelin. Pour Alexi qui interprète Jimmy, le personnage principal qui est de toutes les scènes, un casting très important a dû être organisé. Le réalisateur tenait à ce qu'il soit originaire de la région où le film fut tourné. Plusieurs centaines de dossiers de candidatures ont été envoyés à la production et une première sélection a été faite sur photo. Sélection au cours de laquelle Alexi n'avait pas été retenu, car sa coiffure du moment ne mettait pas en valeur son visage comme Philippe Claudel l'espérait. Mais l'épouse du cinéaste, qui a notamment été sa conseillère artistique sur tous ses films, a fortement recommandé à son mari que l'enfant fasse un essai filmé. Et deux mois avant le tournage, quand Alexi est arrivé, ce fut une évidence. Le plus troublant c'est que l'enfant et Claudel n'habitent qu'à cinq kilomètres l'un de l'autre.

    On se retrouvera...

    Philippe Claudel a notamment fait savoir qu'il envisageait de tourner deux autres films avec le personnage de Jimmy d'ici trois et six ans afin de suivre l'évolution de son parcours. Un peu à la manière d'un Antoine Doinel chez François Truffaut ou encore d'un Paul Dédalus chez Arnaud Desplechin.

    Un casting pro... et sauvage !

    Ce film marque les retrouvailles entre Pierre Deladonchamps et Patrick d'Assumçao après L'inconnu du lac, réalisé par Alain Guiraudie. D'ailleurs, il s'agit, avec Angelica Sarre et Fayssal Benbahmed qui incarne Mouss, des seuls comédiens professionnels du film. Tous les autres personnages sont interprétés par des habitants de Dombasle et des environs.

    Comme à la fac

    Le réalisateur tenait à retrouver l'ambiance et la simplicité de ses débuts, quand il réalisait ses "films-étudiants". Ainsi, il a fait appel à une équipe réduite à son maximum et à une technique minimaliste : "J’avais prévenu mon chef opérateur Denis Lenoir qu’il n’y aurait ni rails, ni grue, ni dolly. Juste une caméra supportée par un arceau relié à un harnais que le cadreur enfile et qui évite les fortes secousses. Nous avons utilisé un Caddie, une méhari et une chaise roulante pour les rares travellings. Et pour l’image, je suis revenu au choix du format 1:85, que j’affectionne particulièrement car il est proche de la vision de l’oeil, davantage naturel que le scope, plus respectueux de l’intégrité des personnages, plus humain."

    Une malléabilité accrue

    Le scénario a été écrit de façon à être le plus malléable possible. Il a ainsi beaucoup évolué tout au long du tournage, Claudel se permettant d'écrire de nouvelles scènes durant certain weekend alors qu'il revisitait les décors, car vivant juste à côté. Le montage a été conçu de la même façon : "On pouvait tout faire, défaire, refaire, ordonner, désordonner, réordonner, avec une grande liberté (...). Sur mes autres longs-métrages, le montage suivait le scénario. Là, il fallait en permanence trouver l’agencement, l’équilibre et surtout le rythme pour ne pas sombrer dans l’ennui ou, au contraire, perdre la complexité de l’histoire. Quelques images en plus ou moins bouleversaient la donne."

    Ecrire en chanson

    Philippe Claudel a pour habitude de s'inspirer d'une ou plusieurs chansons lorsqu'il écrit ses scénarios. C'est encore le cas ici, où il avait notamment "Beautiful Child" de Fleetwood Mac dans la tête au moment de l'écriture mais il a revu ses plans au moment où le tournage approchait : "Quand je faisais mes repérages, que j’imaginais les plans que j’allais faire, j’ai songé à ce que pouvait être la musique intérieure de cet enfant, de ce petit cow-boy à vélo, sa voix cachée. Cette approche américaine et onirique m’a fait alors réécouter un artiste que j’aime beaucoup, Ray Lamontagne, sorte d’héritier de Dylan et de Neil Young, un songwriter avec une voix qui donne l’impression qu’il ne chante que pour vous, à votre oreille, et des mélodies très belles, un peu mélancoliques, avec de remarquables arrangements. Il est alors devenu évident que c’était cela l’univers intime de Jimmy. J’ai arrêté mon choix et certaines des séquences ont été tournées, ou montées, en prévision de l’utilisation de chansons précises de Ray lamontagne, comme la longue promenade en vélo, la séquence sur l’Île aux Corbeaux, le slow avec Pris."

    Au-delà du temps

    Une enfance marque également la première apparition du cinéaste devant la caméra. En effet, il y incarne l'entraineur de tennis de Jimmy. Une chose qui n'était pas prévu à l'origine mais qui a pris tout son sens au fur et à mesure du tournage tant le réalisateur comprenait à quel point ce film lui était personnel : "Il était d’une façon directe ou indirecte question de moi, tout le temps et partout. La scène finale du tennis, lorsque l’entraîneur dit à Jimmy que lui aussi tournait autour des courts quand il était enfant, est totalement autobiographique. Je traînais alors autour des terrains, plein d’une envie de jouer, comme j’ai commencé à peu près au même âge à tourner autour du cinéma, espérant un jour pouvoir en faire. La dernière réplique « tu vois maintenant c’est moi qui joue ! » est presque une métaphore. Je n’osais pas rêver de cinéma et, aujourd’hui, c’est moi qui me retrouve derrière la caméra. Ce gamin, quelque part, j’ai compris que c’était moi et qu’il fallait que ce soit moi qui lui tende la main. Pour l’inviter à entrer dans le court, dans la vie, dans le cinéma. Pour que la boucle soit bouclée. Je me suis tendu la main par-dessus le temps."

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