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chrischambers86
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4,0
Publiée le 17 septembre 2022
L'une des oeuvres majeures de Mauro Bolognini qui adapte avec brio le roman cèlèbre du français Charles-Louis Philippe! Cinèma de misère et de dèchèance dont la patine, la reconstitution admirable de Piero Tosi et les costumes de Tirelli, ont fait un classique du cinèma italien! Bolognini s'applique à faire de Bubu un salaud intègral! Une vie dèjà toute tracèe pour la jolie et pauvre Berta (Ottavia Piccolo, dans sa pèriode faste), avec un amour qui devient synonyme d'argent! Un mal qui deviendra sa torture, sa peste et son enfer, à moisir dans la rue par tous les temps! Mais Bubu apprendra qu'il dèpend aussi d'elle et qu'on ne quitte pas une femme quand elle est malade! La vie est parfois horrible mais c'est la vie que Berta doit mener qui l'est! il y a un adage qui dit que ceux qui naissent dans la misère y reste. " Bubù de Montparnasse" (1970 en est un parfait exemple! Très belle chanson de Lèo Ferrè dans son intro (« Ecoutez la chanson ») et de Giorgio Gaber dans sa version italienne, pour la conclusion amère soit-elle...
Bubu (pourquoi de Montparnasse? le lieu indéterminé et transposé du film est en Italie) est un sale type, un proxénète qui met sa fiancée Berthe sur le trottoir. Pourtant il n'est pas le personnage central, comme ne l'indique pas le titre du film de Bolognini. C'est sur Berthe (Ottavia Piccolo) que se porte l'attention du cinéaste, sur son amour indéfectible et irraisonné pour ce Bubu qui la maltraite, sur la maladie courante de la prostituée, sur sa relation avec un client différent. Le sujet, issu d'un roman français réaliste, est un drame humain, celui d'une femme incapable de s'extirper de la misère et de l'indignité. Mais la réalisation esthétisante de Bolognini, son péché-mignon, est-elle la plus appropriée pour décrire le malheur de Berthe? Ses couleurs et ses costumes d'époque rutilants, sa fameuse photographie voilée et romantique et la préciosité du style ne sont-ils pas de nature à édulcorer la gravité du sujet et le contexte social? C'est le cas, me semble-t-il, et les choix de réalisation du cinéaste tirent le film vers un romanesque trop lisse et versent les seconds rôles dans les stéréotypes de la prostitution. Seule la beauté diaphane et sensuelle d'Ottavia Piccolo m'a touché parce qu'elle stigmatise la grâce et la pureté bafouées, violées. L'ensemble reste assez superficiel parce qu'aucun personnage n'est vraiment approfondi; comme voué à illustrer une gravure d'époque.
Le visage angélique d'Ottavia Piccolo s'altère imperceptiblement tout au long de sa descente aux enfers : elle est l'âme d'un des plus beaux films de Bolognini, Bubù (1971), un drame de la prostitution qui répond de manière encore plus dramatique s'il est possible à La Viacchia (1961). Presque en permanence en gros plan ou en plan américain sur la très jeune Berta (20 ans), ses belles robes de Tosi (l'artiste qui était aussi près de Visconti) s'abîmant et se déchirant au fur et à mesure qu'elle s'abîme elle aussi dans la maladie et la dépendance, le cinéaste instille une tendre sympathie malgré sa veulerie et son addiction à un maquereau de la plus basse espèce. On reverra Ottavia dans Mettelo (1970) mais surtout, pour nous, elle est la fascinante Mado de Sautet (1976) qui va de Michel Piccoli à Jacques Dutronc, entrant majestueusement par ses trois films dans le Mythe du Cinéma.
Dans aucun autre film Bolognini n'utilisera mieux de son génie lui permettant de photographier les villes italiennes en les transposant en 1900. Ici en mêlant Milan et Turin il crée un ville imaginaire du Nord, accablée de pluie, de brouillards froids et de ruines. Magique et terrible.