Acteur fétiche d'Abdellatif Kechiche (La Faute à Voltaire, L'esquive, Vénus noire, La Graine et le mulet), Olivier Loustau passe derrière la caméra et réalise avec La Fille du patron son premier long métrage. Dans son film, il tient également le rôle masculin principal, celui de Vital, chef d'atelier dans une usine textile choisi comme "cobaye" par Alix (Christa Théret), venue réaliser une étude ergonomique dans l’entreprise de son père sous couvert d’anonymat. Olivier Loustau est d'ailleurs lui-même fils d'ouvrier. Il explique :
"La Fille du patron a plusieurs résonances avec ma propre histoire. Fils d’ouvrier, j’ai voulu situer l’action de mon premier film au coeur d’une usine et faire de cet univers industriel en déclin, le cadre d’une comédie sociale. Dès l’écriture, j’étais motivé par la question de représenter les classes populaires de manière vivante, sans pathos, ni misérabilisme. J’avais envie de montrer ces héros ordinaires, avec leurs forces et leurs faiblesses."
Dans le long-métrage, le personnage d'Olivier Loustau est un joueur de rugby amateur. Le réalisateur/acteur connaît très bien ce sport puisqu'il l'a pratiqué en troisième ligne. Pour les scènes de match, il a d'ailleurs fait appel à plusieurs joueurs de l'AS Roanne Rugby. Olivier Loustau note au sujet de la représentation de ce sport dans le film :
"C’est le sport collectif par excellence, où l’individu n’est rien sans les autres, aussi talentueux soit-il. Le rugby véhicule des valeurs de sacrifice, de solidarité et de courage que je trouvais très appropriées pour représenter le milieu ouvrier et exprimer son combat pour la dignité. Ce sport me passionne aussi parce c’est l’un des seuls endroits aujourd’hui où il reste de la mixité sociale. Des dentistes, des plombiers ou des ouvriers s’y côtoient, quelle que soit leur origine ethnique, ou religieuse. Il m’importait de représenter des cadres et des ouvriers réunis sur un terrain de rugby, même s’ils ont été capables de s’engueuler la veille dans le contexte professionnel."
La Fille du Patron a été co-produit par Julie Gayet et Lisa Azuelos. Cette dernière avait dirigé la jeune Christa Théret dans LOL en 2009, qui avait révélé la jeune comédienne au grand public dans ce rôle d'adolescente parisienne amoureuse fille de Sophie Marceau.
Olivier Loustau a choisi Christa Théret pour jouer Alix pour sa voix et le mélange d’assurance et de fragilité que dégage la comédienne.
Le tournage de La Fille du patron s'est déroulé du 16 juin au 9 août 2014 dans la ville de Roanne, dans le département de la Loire.
Outre les acteurs professionnels comme Florence Thomassin, Ludovic Berthillot, Moussa Maaskri et Vincent Martinez (que le réalisateur a déjà dirigé dans son court métrage Face à la mer), Olivier Loustau a fait appel à de vrais ouvriers pour la figuration (La Fille du patron se déroule en grande partie dans une usine).
Appelé La Fille du patron dès le début du projet, le long-métrage a changé de nom en cours de route ("Sur la touche"), mais il a depuis retrouvé son titre original.
Le premier film de Olivier Loustau a été tourné dans une petite usine qui a fermé depuis. Au même moment, Julie Gayet, la co-productrice, et l'équipe du long-métrage a démarré le tournage d'un documentaire sur les salariés de cette entreprise.
Des jeunes succombant au charme de personnes plus âgées, c'est un sujet qui est de plus en plus présent au cinéma. Nous avons notamment pu voir des couples avec une grande différence d'âge dans Trop jeune pour elle (Michelle Pfeiffer et Paul Rudd ont 11 ans d'écart dans le film), 17 ans encore (Zac Efron tente de séduire Leslie Mann même si elle est censée être son ex femme. L'acteur a fait un retour dans le passé), 20 ans d'écart (Virginie Efira succombe au charme de Pierre Niney qui a environ 18 ans de moins qu'elle), Tout peut arriver (Jack Nicholson ne sort qu'avec des jeunes femmes jusqu'au jour où il rencontre Diane Keaton), Un moment d'égarement (Lola Le Lann, 18 ans, craque pour le père de sa meilleure amie interprété par Vincent Cassel) ou encore Amitiés sincères (Ana Girardot tombe amoureuse de Jean-Hugues Anglade malgré les 30 ans qui les séparent).
Ce qui intéressait particulièrement le metteur en scène Olivier Loustau dans ce projet était de raconter les conséquences de cet amour sur l’entreprise et sur l’équipe de rugby : "La « famille » au sens large, pas seulement la famille biologique, mais aussi le groupe social auquel on appartient…"
A l'origine, Olivier Loustau ne voulait pas jouer dans son film mais le producteur Patrick Grandperret qui a produit son court métrage Face à la mer l'a encouragé à incarner le personnage de Vital.
Olivier Loustau a voulu parler de la classe ouvrière différemment qu'en évoquant uniquement les fermetures d’usine et les grèves. Pour traduire la contestation propre à cette classe, il a voulu passer par le sport et par exemple le refus de l'équipe de jouer la finale de rugby sous les couleurs du patron.
En ce qui concerne le choix de l'entreprise où l'équipe de tournage a posé ses valises, Olivier Loustau a cherché à éviter les visions archaïques accolées au monde ouvrier, en trouvant une usine moderne avec des machines puissantes et graphiques. L'établissement qui a accueilli le tournage du film était en situation fragile et a depuis fermé.
Prenant exemple sur Abdellatif Kechiche et son désir permanent d'authenticité dans ses films, Olivier Loustau a choisi de faire tourner dans La Fille du patron des acteurs non professionnels. C'est dans cette optique qu'il a proposé à des vrais ouviers de l'usine de faire leurs premiers pas au cinéma : "Dans un contexte social déjà tendu, il a fallu que je mouille la chemise pour qu’ils comprennent ma volonté de les faire jouer. Je leur ai notamment expliqué d’où venait mon désir de cinéma : rendre hommage à la classe ouvrière, à mon père…"
Olivier Loustau voulait impérativement tourner en été pour éviter la grisaille du quotidien et ainsi lorgner du côté du réalisme poétique et faire passer la chaleur humaine.
Au sujet de la musique, Olivier Loustau explique : "La musique de Fixi contribue elle aussi à inscrire le film dans un mouvement de vie… J’avais envie d’une musique enlevée et pêchue, avec la même énergie que ce qu’on voit à l’image. Fixi est un pianiste-accordéoniste qui s’est fait connaître avec le groupe Java. Il pratique un instrument qu’on pourrait qualifier de désuet mais dans une direction qui m’intéresse. A savoir : comment pratiquer de l’accordéon sans se faire appeler Yvette Horner, sans que ça sonne musette."