Le film qui s'arrête au moment où tout devrait commencer. J'ai éprouvé une sérieuse frustration en voyant le rideau se baisser après la scène qui laissait présager d'une suite palpitante. C'est mon plus gros reproche au film. Parce que sinon, quelle actrice que cette Nina Hoss que je ne connaissais pas ! Ses pas hésitants, son sac à main pendant au bout du bras, son air de petit oiseau brisé, ses angoisses vibrant à chaque seconde, la douleur parcourant un pauvre petit corps épuisé, son regard fuyant... Je vivais avec elle la sortie des camps, je revivais avec elle la sortie de l'hôpital après une opération, je lisais dans son regard ce que j'ai vu d'ex-prisonniers au dos voûté qui évitent de regarder les gens de face, j'avais mal avec elle, j'avais peur avec elle... Pour le reste, ce film est plein de choses intéressantes. Il y a cette invraisemblance que tous les critiques ont noté. Mais après tout, et si ce qu'on trouve invraisemblable était tout simplement une preuve de non-amour total d'un homme pour une femme. Nelly chante une chanson de Kurt Weill, le même Kurt Weill qui a écrit Surabaya Johnny dans l'Opéra de Quat'sous. Et que raconte cette chanson ? Je t'aimais tant Johnny, et toi tu ne pensais qu'à l'argent... Tandis que se déroulait le film, je pensais à cette chanson, et maintenant que je l'ai traduite, il me semble évident que l'histoire de Nelly est celle-là, dans un autre décor. Elle l'a aimé follement, était sa chose, et lui en macho impassible, ne se souciait que de ce qu'elle pouvait rapporter. Simplement, là Johnny n'est pas présenté comme un maquereau, mais comme un homme placide et légèrement ambigu, pas très fin, mais doux. C'est au fond cette placidité, cette douceur qui ne collent pas vraiment dans le scénario. L'acteur n'a pas réussi à se dégager de son charme très humain, peut-être, alors qu'il aurait dû jouer le mâle autoritaire un peu brut de décoffrage. Surtout qu'il ne semble éprouver aucun remord pour sa trahison, ce qui collerait parfaitement s'il était présenté comme une grande brute, mais là, cloche un peu avec sa sensibilité. Tandis qu'elle, fragile revenante de l'enfer, et ex-amoureuse transie de la vie d'avant, est tout à fait dans le rôle. Pour preuve, cette scène que je trouve très intéressante, du premier Johnny qu'elle découvre. Parce qu'il porte ce prénom, parce qu'il est autoritaire, elle obéit. Un autre détail intéressant : dans la scène finale, la voix de l'héroïne commence en toute modestie, puis il y a une mue, un passage, un pont traversé, une force renouvelée et la voix, redevenue puissante, s'envole et emplit la pièce. J'ai été impressionnée par la mutation de Nelly en Nelly, au point que je n'arrivais plus à la reconnaître, à me demander si c'était la même actrice. Pour conclure, je dirais : plein de belles choses, d'émotions fortes, et quelques dysfonctionnements. Et maintenant Monsieur le Réalisateur, pourrons-nous avoir la suite de l'histoire ?