Dès les premières images du film (très impressionnantes d'ailleurs), on sent que ça va être du lourd, du sérieux, du dense. Christian Petzold nous avait séduits avec le très intéressant Barbara. Aujourd'hui, il s'attaque à un sujet difficile: le retour des camps de concentration, et on ne peut pas dire qu'il transforme complètement l'essai, plombé par un scénario d'un mélo abracadabrantesque. Il aurait sans doute fallu un peu plus de perversité, un peu plus d'ambiguïté pour manipuler un thème aussi lourd.
Nelly est prise en charge par son amie Lene (Nina Kunzerdorf), qui a survécu en se réfugiant en Suisse et se charge maintenant des recherches pour les familles. Au final, le plus souvent, un alignement de morts. Lene est équilibrée, en apparence, elle est forte, elle est persuadée que l'on doit retrouver tous les biens volés, faire payer les voleurs et qu'avec cet argent, les rares survivants pourront se reconstruire une nouvelle vie en Israel. Elle prépare déjà son départ, et celui de Nelly -pour le moment celle ci est hospitalisée dans une clinique où l'on refait son visage, dont la moitié des os ont été brisés. C'est une des solutions pour survivre: le départ vers une nouvelle vie.
Mais ce n'est pas le choix de Nelly. Nelly veut que le chirurgien esthétique lui refasse exactement son visage d'avant, retrouver son mari, son Johnny, et repartir comme avant. Il était pianiste, elle était chanteuse, juive et de famille fortunée. Ils avaient des amis. Elle veut que tout recommence. Elle est dans la complète négation. Négation ou nouveau départ, quelle était la meilleure solution pour revivre?
Après la cicatrisation, elle ne se reconnait pas. Mais elle part rechercher Johnny (Ronald Zehrfeld, très bien) dans Berlin en ruines, Berlin ras de terre, où se croisent soldats américains, filles et trafiquants en tous genres, Berlin où la vie se concentre dans des bars à soldats. Elle n'a pas de mal à le retrouver au cabaret Phoenix -vous voyez le jeu de mots entre le nom du cabaret et la jeune femme qui veut renaître de ses cendres.... où il sert et fait le ménage. Johnny, qui s'est empressé de divorcer dès l'arrestation de son épouse, voit tout de suite le parti qu'il pourrait tirer de cette jeune femme qui lui rappelle vaguement la sienne, qu'il pourrait faire passer pour la sienne, inespérée survivante, afin ainsi de récupérer la fortune de la famille qu'ils se partageraient.
Voilà donc le point de départ du film, très hitchcockien. Faux semblants, jeux de miroir.... Et c'est là où le bât blesse: il aurait sans doute fallu un réalisateur plus pervers, plus sophistiqué, moins réaliste pour l'exploiter complètement. Quant à Nina Hoss, je la trouve aussi moins à l'aise avec son personnage que dans Barbara.
Film à voir nonobstant car cette thématique de la re-vie à la sortie du monde concentrationnaire n'est pas si facile à traiter -et n'a pas été souvent traitée. Film intéressant, assurément, et puis on se prend au jeu de son côté "thriller", se demandant bien comment tout cela va se terminer!