Matteo Garrone revient avec son troisième film consécutif qui fut présenté à Cannes en compétition officielle après avoir déjà fait sensation avec Gomorra en 2008 et Reality en 2012. Néanmoins ce nouveau film n'a pas fait autant forte impression que ses deux précédents films suscitant même des réactions assez violentes à son égard. Il faut dire que le pari était risqué mais aussi pleins de promesses, promesses qui ne sont que partiellement tenu offrant donc un film empli de maladresses mais disposant de belles fulgurances. Le scénario mélange trois contes au sein d'une même histoire, d'un même univers. Le principal problème viendra de là, les contes sont très inégaux à la fois par rapport aux uns les autres mais aussi au sein d'eux-mêmes. Les contes disposant de plusieurs actes qui manque parfois d'intérêts et les enchaînements d'un conte à l'autre sont parfois pleins de maladresses et certaines transitions sont assez paresseuses ainsi que la manière dont le film les lient ensemble. Le conte autour de la Reine sera au final le plus intéressant et le plus "morale" des trois, c'est d'ailleurs dommage que le conte qui soit le plus maîtrisé soit en fin de compte celui qui est le plus classique. On va suivre L'amour désespéré d'une mère pour son fils, sa peur de le perdre mais aussi dans un premier temps son besoin vital dans avoir un. L'obsession devient maladive dans les deux cas et mène à la violence et aux conséquences tragiques, rien de ce qui vaut la peine ne s'obtient sans sacrifice. Après il n'y a pas grand chose à dire sur ce conte, il est à la fois prévisible et plaisant notamment dans la relation qu'entretiennent les deux frères du récit. L'intérêt de ce conte sera finalement picturale car c'est celui qui est visuellement le plus impressionnant enchaînant des scènes contemplatives de toute beauté à l'image d'une chasse dans les fonds marins mais qui souffre de deux trois effets de mise en scène qui font cache misère notamment avec un usage abusif d'un plan subjectif à l'intérieur d'un casque marin. Le deuxième conte sera celui de la puce qui commence de la meilleure manière possible avec un père qui aime sa fille au delà de toute mesure virant même à la monstruosité et à la séquestration. C'est ce que symbolise cette puce que le roi prend d'affection et qui grandit de manière anormale. C'est à la fois très drôle et très touchant mais aussi assez malsain, le père refusant catégoriquement de laisser partir sa fille pour ne pas être seul. Après ce qui est moins réussi dans ce conte c'est la manière dont celui-ci évolue, même si il traite de l'amour obsessionnelle de manière intéressante ( bien plus intéressante que le premier conte par exemple ) le discours va évolué pour parler de l'incommunicabilité et l'incompréhension de l'autre. Cela aurait pu être d'autant plus pertinent mais le film gère mal cette partie du récit à cause d'un discours douteux malgré une approche très délicate du freak. Au final, ce conte fini par traîner en longueur et manque de développement lorsque la fille passe d'une séquestration à une autre, de l'amour surprotecteur d'un père à l'amour brutal d'un mari jaloux et violent. Même si l'aspect féministe est intéressant c'est vraiment sa gestion de la beauté qui laisse perplexe, ici les gens moches sont irraisonnable et cruelle et les gens beaux sont innocents et précieux. Néanmoins ils sont tous égoïstes mais ce qui est le plus dérangeant ici c'est l'abus des stéréotypes, on est moches donc on est seuls, tristes et complexes, on est beaux donc on est aimés, choyés et lisses n'ayant aucunes personnalités. D'une certaine manière le film veut faire une satire de la société actuelle avec le culte de beau mais néanmoins il reste trop manichéen et sectaire dans son approche oubliant de nuancer ses personnages ou de leurs apporter une personnalité. Ce culte de la beauté sera même au cœur du troisième conte, faisant de celui-ci le plus faible du film. Ce dernier s'enfonçant dans ses erreurs et les accentuant parlant de la cupidité des gens laids qui veulent être riches et beaux tandis que les gens riches et beaux sont cupides de plaisir éphémère. Ils sont tous stupides et dérisoires et même si cela sert un propos non dénué d'intérêt cela manque de nuance laissant transparaître une vision restreinte des choses. Selon moi cette approche manque d'intelligence dans le traitement de l'immoralité, qui doit se faire plus insidieuse que ça. J'ai trouvé le propos très simple et très simpliste surtout le que film ne cherche pas la subtilité et martèle son message avec une certaine absence de grâce rendant ce dernier conte anecdotique. C'est dommage car au final cela peut s'étendre au film en lui-même, le principe du conte à déjà été traité avec plus de subtilité et d'intelligence que ça. Ici malgré des fulgurances et des intentions passionnantes, le film manque souvent de discernement et tape souvent à côté des vrais problèmes qu'il veut dénoncer car il ne les perçoit pas entièrement, il ne voit qu'une partie de ceux-ci et pas nécessairement la partie la plus intéressante. Par contre le casting se montre irréprochable, tout les acteurs sont très bons et on droit à leurs petits moments, on retiendra surtout la splendide Salma Hayek, à la fois touchante et terrifiante en mère prête à tout par amour, John C. Reilly, impérial malgré un rôle assez restreint et Toby Jones qui est absolument grandiose et touchant en père irrationnel mais terriblement attachant. Néanmoins Vincent Cassel peine à être aussi convaincant que les autres même si son numéro de cabotin se révèle assez drôle, il manque de force. Pour ce qui est de la réalisation, on notera une technique impeccable avec une très belle photographie et des musiques inspirés. Après on notera assez étrange dans la transition entre les contes, le film faisant des aller retours sans cesse entre les contes amoindrissant leurs impacts. La mise en scène de Matteo Garrone n'en reste pas moins assez prodigieuse grâce à des cadrages habiles qui captent le grandiose des scènes, on ressent même parfois une certaine influence du cinéma de Jodorowsky. Le film se fait relativement contemplatif préférant la beauté picturale à l'efficacité du rythme, certaines plans s'inscrivant dans la longueur jusqu'à l'extrême ( une course très poétique dans un labyrinthe qui se fait presque hors du temps ). On note aussi une fascination sur la transformation des corps et sur les difformités qui n'est pas sans rappeler l'ancien cinéma de Cronenberg offrant des moments assez fascinants servent assez habilement ( du moins visuellement ) certains propos du film. En conclusion Tale of Tales est un film malade, empli de défauts en tout genre et de maladresse mais qui se révèle au final attachant, voire même parfois fascinant. Malgré des inégalités dans son scénario et une immoralité parfois mal géré, le film vaut surtout pour les magnifiques visuels qu'il peut offrir grâce à une mise en scène inspirée et maîtrisée de bout en bout qui est en plus habitée par d'excellents acteurs. C'est donc un film déstabilisant dans son approche simpliste de la psyché humaine l'empêchant d'être pleinement réussi mais qui se révèle sympathique par la grâce et l'amour qu'il porte à ses images.