Voilà bien longtemps que je n’avais pas été à ce point touché ; « La Belle Saison » est un très beau film délicat. Plusieurs sujets se côtoient comme le droit des femmes, son émancipation, son droit à la pilule, à l’avortement, à son indépendance, à sa reconnaissance dans le monde du travail ; c’est aussi un film sur le droit à la différence, celui d’être femme tout simplement ; un film sur l’homosexualité ; c’est aussi une chronique sur le monde agricole vécu ou subit par les femmes ; des femmes courageuses qui en abattent autant que les hommes voire plus car on s’imagine très bien qu’après une journée au champ, il faut s’attaquer aux tâches domestiques. Et enfin, c’est aussi et surtout une belle histoire d’amour et comme les belles histoires d’amour, elles finissent non seulement mal, mais elles soulignent la fragilité des certitudes, elles apportent leurs lots de contradiction. Ainsi, Delphine, fille de la campagne, installée à Paris tombe amoureuse de Carole, fille de la ville, professeur d’espagnol et accessoirement hétéro ! Carole, femme de tous les combats féministes, s’effondre devant les avances surprenantes de Delphine. Carole, femme qui se revendique indépendante, se voit peu à peu dépendante de Delphine qu’elle finit par aimer contre toute attente. Delphine, si audacieuse, s’avère lâche, peureuse quand Carole la rejoint dans la ferme familiale. Delphine s’amusait de la gêne de Carole à la ville. A la campagne, Carole s’amuse de la gêne de Delphine. Delphine a pulvérisé les certitudes de Carole quant à son orientation sexuelle. Ou à défaut de certitude, a révélé l’homosexualité de Carole. Scènes de la vie quotidienne dans la ferme, comme pour illustrer le courage de ces femmes paysannes quand l’homme se retrouve subitement handicapé ou dans l’impossibilité de travailler. Le combat, l’émancipation des femmes, c’est aussi prendre la fourche, faire le foin, conduire le tracteur et prendre des initiatives. Scène insolite que celle de voir Delphine toute réservée dans une réunion où elle est la seule femme au milieu d’hommes. Justement, les hommes ne sont pas croqués de manière caricaturale, le compagnon de Carole est là pour lui signifier ses contradictions et Antoine est l’amoureux réservé, secret et aucunement mesquin quand il découvre l’homosexualité de Delphine ; il en est de même du paysan que les jeunes femmes croisent au moment où elles s’embrassent. Sa découverte sera contée par des sourires et des regards qui préoccuperont Delphine. On ne l’entendra pas. Catherine Corsini ne veut pas faire de l’homme un ennemi de la femme. Carole le dit à un moment donné : « On n’est pas contre les hommes, on est pour les femmes ». Cependant, Carole aura pour ennemie la mère de Delphine ; nous sommes en 1971 et la femme traîne une fatalité séculaire comme trouver normal de conjuguer travail et tâches domestiques et soutien sans faille à son mari, et surtout condamner l’homosexualité. Quand la mère de Delphine découvre « les cochonneries » de sa fille, elle rejette la faute sur Carole qu’elle accuse d’avoir pervertie. La mère de Delphine est non seulement dans le dégoût mais dans le déni. Elle n’est pas qu’un portrait de la femme de la campagne, elle est une femme de ce début de ces années 70, c'est-à-dire une femme des années 40, disciple de la conformité et de la fatalité conduites par les hommes. Enfin, je salue et la mise en scène, et la direction d’actrices. De Cécile de France à la jeune Izia Higelin en passant par Noémie Lvovsky, elles sont toutes remarquables. Elles ont su utiliser admirablement le spectre de toutes les émotions.