Denis Villeneuve est un réalisateur que j'aime. Plus qu'un réalisateur, il est même un auteur. "Prisoners" était un policier parfaitement géré dans sa mise en scène et sa tension, malgré un dénouement certes inattendu mais loin du final que j'espérais ; "Enemy" était une œuvre étrangement hypnotisante et d'une construction remarquable ; et "Sicario" était une bombe. Sur ces trois films américains, le réalisateur canadien a démontré son talent pour créer une atmosphère pesante mais néanmoins fascinante. "Premier Contact" n'échappe pas à la règle, et offre une dimension humaniste profondément belle.
"Premier Contact" est un film de science-fiction tendant vers l'intimiste le plus sensoriel s'éloignant du genre habituel. Loin d'un "Independance Day" ou d'un "Edge of Tomorrow", ce long-métrage s'oriente vers une approche nettement plus calme et sans déflagration. L'histoire nous happe, l'ouverture du film est captivante. Chaos constant hors-champ, l'attente s'intensifie. Par un mystère saisissant, Denis Villeneuve joue avec le spectateur : il nous donne envie de voir. Plus que voir même, de comprendre. Et là est le principal sujet du long-métrage : le langage. La communication est un des fondamentaux de notre société. Paradoxalement, malgré un accès illimité à ce contact universel, on ne se comprend pas forcément. Villeneuve montre cet incapacité à coopérer, à se comprendre ; c'est en cela que le film est important et dépasse le simple statut de science-fiction. "Premier Contact" est le reflet de notre réalité sombrant dans l'informatique et la privatisation des contacts humains. A l'image d'un "District 9", "Premier Contact" préfère le dialogue avec l'inconnu. Louise Banks, interprétée par la magnifique et toujours aussi convaincante Amy Adams ("Nocturnal Animals"), est l'héroïne principale. Elle va engendrer ce contact aussi merveilleux que terrifiant à bord du vaisseau (au design simple mais élégant). Elle est aidée par le scientifique Ian Donnely, superbe Jeremy Renner ("Avengers"). Forest Whitaker ("Rogue One") est lui aussi à l'aise dans son rôle de colonel, bien qu'un peu mis en retrait, sans doute pour laisser place non pas à l'armée, symbole certes d'une certaine sécurité mais aussi d'une violence, mais à la paix et à la réflexion. De ce postulat simple mais intrigant, l'œuvre du cinéaste propose et offre un message fort sur l'union et l'entre-aide. Intelligent et bien rythmé, le scénario tiré de la nouvelle "Story of your life" de Ted Chiang permet de livrer une tension palpable.
Cette tension est aussi façonnée par la très bonne bande originale de Jóhann Jóhannsson, à qui l'on devait déjà les musiques des autres films de Denis Villeneuve. Accompagnant l'ensemble visuel à la perfection, cette BO m'a souvent rappelé le travail de Mica Levi sur "Under the Skin" sorti en 2013 : des tons célestes et forts angoissant. Le visionnage du film a été purement sensoriel, parmi des moments de beauté et d'autres de suspens, j'ai été transporté.
"Premier Contact" est une œuvre d'art, à l'image des vaisseaux. La photographie est magnifique, les effets spéciaux sont bien rendus à l'écran, l'ambiance est poignante. Rares sont les films aussi bien pensés, "Premier Contact" est un film important, maitrisant ses sujets. La réalisation de Denis Villeneuve est elle aussi superbe. L'attente qu'elle provoque avec ses plans, force un stress constant et un questionnement réfléchi. Ils sont très bien composés, parfois d'une majesté incomparable ; jusqu'à la première fois que l'on voit ces heptapodes, l'angoisse est totale. Un plan rappellera le dernier de "Enemy", un clin d'œil bienvenu et surprenant. Puis à force des révélations, on se demande le rôle de ces extraterrestres tentaculaires. Viennent-ils en paix ? Telle est la principale question qui nous travaillera jusqu'au dernier quart. Celui-ci se révèle assez prévisible dans son déroulement et sa construction, mais n'entachera en rien la magie de ce twist. Justement, la réflexion s'avère double. Les symboliques se montrent plus complexes. Le film porte matière à approfondissement, à contemplation, tout comme Jeff Nichols l'avait fait avec "Midnight Special" dans une moindre mesure. Mais la portée théorique du long-métrage n'est qu'une partie de cette œuvre exemplaire. Au-delà de sa force visuelle et purement scénaristique, le film agit sur une certaine idée. La bonté (tous les personnages villeneuviens veulent bien faire dans leur domaine) et le temps (temps compté dans "Prisoners" et "Sicario", répétition temporel dans "Enemy"). Denis Villeneuve a su mettre en scène les thématiques que l'on retrouve dans chacun de ses films et à insuffler son esthétique si particulière. Aucun manichéisme et une grande sensibilité dans ce "Premier Contact" donc.
Ceci n'est que l'humble avis d'un passionné, espérant avoir été clair dans son propos. "Premier Contact" est un film fort, coup de poing et bouleversant ; une de ces œuvres que l'on ne voit pas assez. La connaissance de l'histoire n'est pas une chose importante pour aller le voir, j'y suis allé sans rien connaître et la surprise fut très bonne. Si ce n'est pour moi le chef d'œuvre que tout le monde vante, il reste néanmoins une œuvre majeure sortie cette année et sans doute l'une des meilleures du réalisateur et du genre.