Ca commence comme « Indépendance Day » et ça y ressemble pendant les 5 premières minutes, après quoi le film de science fiction de Denis Villeneuve s’écarte ce cette encombrante référence pour lorgner davantage vers « Rencontre du Troisième Type » de Spielberg ou mieux, du mésestimé « Contact » de Robert Zemeckis. Si vous espériez de « Premier contact » des aliens vindicatifs pilotant des vaisseaux, attaquant au laser, faisant des course-poursuite avec des F-16 ou désintégrant des humains sur place, vous allez être très déçus. Denis Villeneuve, dont je ne connais pas bien le travail mais dont j’ai beaucoup apprécié le thriller « Prisoners », c’est un réalisateur qui n’aime pas l’esbroufe et son film de SF n’allait pas faire dans le tape à l’œil. Dans la forme déjà, il choisi de camper son film dans une ambiance brumeuse (qui, on le verra, correspond bien à la complexité du scénario), le brouillard, la brume, la fumée sont omniprésents dans son film. Le soleil est absent, les couleurs vives quasi prohibées. Sa photographie est neutre, presque austère, ce qui ne l’empêche pas de faire des plans parfois magnifiques et des panoramiques très beaux. Il a choisi de réserver les couleurs chaudes à des petites vignettes
(flash back ? flash forward ? Rêves ? Hallucinations ?), montrant Louise et sa fille Hannah.
Ces vignettes, qui ont tendance à se multiplier au fur et à mesure que le film avance, on se demande pendant un bon moment quelle est leur utilité et pourquoi il y en a tant, et de façon presque exponentielle. Représentent-elles un bonheur perdu, ou l’espoir d’une vie heureuse ? Cela ne prend son sens que dans les 5 dernières minutes, comme un puzzle en 3D qu’on aurait mis tout le film à assembler. Le casting est porté par Amy Adams, qui est très juste, déglamourisée à l’extrême, elle incarne une universitaire à la vie très solitaire qui sent qu’elle tient entre ses mains (ou plutôt dans son cerveaux) les clefs de la communication avec une espèce supérieure. Adams est très sobre, et elle est très bien secondée par Jeremy Renner, qui incarne un scientifique, lui aussi de façon très juste. Il reste un peu en retrait, comme son personnage d’ailleurs, qui comprends vite que dans le cas présent, la science va devoir attendre son tour puisque le plus urgent, ce sont les mots, le vocabulaire et la syntaxe. Je dois dire que dans « Premier Contact », c’est ça que je trouve le plus pertinent et le plus original. D’habitude, dans les films de SF, on vous abreuve de concepts scientifiques, d’équations, de références quantiques, bref… de chiffres. Or ici, c’est bien de mots dont il est question, parce qu’avant de parler de chiffres, il faut déjà réussir à se parler tout court. Le langage est un concept facile à appréhender pour un humain doté d’un larynx et capable de produire des sons voulant signifier des choses ou des idées. Déjà, entre humains parlant des langues différentes (et parfois même entre humains parlant la même langue !) les non sens, les approximations, les contresens sont nombreux et forment autant de pièges à éviter. Alors apprendre à communiquer à 12 endroits du globe, avec 12 langages différents, avec une espèce qui communique par des taches d’encres, c’est peu dire que le risque de mal se comprendre est grand
et qu’il est facile de confondre le mot « outil » avec le mot « arme » !
Et le risque, on le comprends bien vite, c’est que les chinois comprennent une chose et les américains une autre, et que chacun décide dans son coin de déclencher sa petite offensive qui amènera à une guerre totale, entre eux et nous ou entre nous tout court. Le scénario est complexe, il est même à la limite du fumeux par moment, à l’image de la brume qui entoure le film. On met du temps à comprendre qu’en fait… on ne le comprendra qu’à la fin, qu’à la toute fin, lorsque le puzzle 3D sera complet. Il faut accepter de se laisser porter par un scénario elliptique, qui très vite se met à jouer avec les notions d’espace-temps, et il faut accepter de ne pas comprendre d’emblée ce qu’on voit à l’écran. A plusieurs reprises, je me suis demandée où Denis Villeneuve voulait m’emmener, s’il n’allait pas me noyer sous un intrigue vaguement métaphysique et indigeste (un mauvais souvenir de « Interstellar » !), bref… Je me suis demandé quand même à deux trois reprises s’il ne se fichait pas un tout petit peu de moi avec ses petites vignettes de vie de famille. Mais non, il faut voir « Premier Contact » dans son ensemble pour comprendre le scénario et pour répondre à la seule question qui vaille « Mais qu’est ce qu’ils veulent à la fin ??? ». Villeneuve fait quelques concessions au genre « film d’OVNI conventionnel »
avec son petit « suspens contre la montre » qui va bien, ses chinois belliqueux (soutenus par les russes, forcément…) et son héroïne qui prend des risques en solitaire pour sauver in extremis la situation.
Ce sont des petits péchés véniels qu’on lui pardonne parce que son film, a une vraie personnalité dans la forme comme dans le fond. Il ne souffre qu’aucun temps mort, il réussi à nous intéresser à des notions pointues comme les sciences du langage et nous embarque dans un scénario en forme d’énigme plutôt astucieux et réussi puisqu’il faut attendre la toute fin pour deviner ce qu’il y a à deviner. Le canadien Denis Villeneuve est décidemment un réalisateur à suivre de près.