Cela faisait longtemps que je tournais autour de ce « Prédestination », considéré par certains (pas tous) comme un digne héritier de « Looper ». Après une introduction laissant perplexe mais où l'on se dit que la suite l'éclaircira (ce qui sera plus ou moins le cas), nous voici lancés dans une histoire n'ayant, dans un premier temps, qu'un rapport assez éloigné avec la science-fiction et le voyage dans le temps, cette plongée presque l'air de rien dans ce récit assez troublant s'avérant bien amenée, nous dirigeant parfois vers des chemins vraiment inattendus. J'avoue avoir été assez séduit par ce procédé de « deux en un », nous laissant dans l'incertitude au point de ne plus être sûr du film que l'on regarde tant les frères Spierig prennent manifestement plaisir à brouiller les pistes, développant avec habileté la nouvelle écrite par Robert Heinlein en 1959. Il y a une réflexion intéressante sur le corps, ses transformations, ce qu'est être un homme et une femme parfois presque perturbante, avant que l'on revienne (enfin) au « cœur » du projet : les complexes spatio-temporels. « Complexe » à tout point de vue tant on se perd dans ces changements d'identité, ces allers-retours entre passé, présent, passé plus lointain : si on comprend l'idée principale et ce qu'elle implique dans la relation entre les personnages comme leur place dans la chronologie (il faut suivre, quand même), un peu plus de fluidité, d'explications concrètes ou de pauses narratives n'auraient pas été de trop, surtout avec ce rebondissement final (en partie) inattendu, mais ajoutant encore à nos difficultés pour construire le puzzle. Une expérience intéressante, donc, visuellement assez séduisante dans sa logique « SF intimiste », où Ethan Hawke s'effacerait presque devant Sarah Snook, à l'androgynie subtilement travaillée, ajoutant une touche d'ambiguïté au propos. Mais aussi frustrante devant un réel potentiel limité par cet aspect confus, trop de modifications temporelles tuant un peu les modifications temporelles... Je ne regrette pas le déplacement (façon de parler, l'œuvre n'étant pas sortie au cinéma!), ai apprécié la narration plutôt originale, à défaut d'avoir eu le coup de cœur espéré.