Ce 3e épisode de la saga "Moi, moche et méchant" arrive 4 ans après le 2nd et 2 ans après le Spin-Off sur les Minions. Autrement dit, ça ne chôme pas chez Illumination. 1 film par an depuis 2010, les films semblent fait à tour de bras ; et certainement un peu trop rapidement. Le 2nd épisode était très bon mais moins intéressant que le premier, et j'ai trouvé "Les Minions" sympa mais lourd et manquant d'intérêt dans le principe de faire de personnages qui sont excellents au second plan des personnages principaux (tout comme "Les pingouins de Madagascar"). Verdict de ce dernier épisode : très mitigé.
Pour resituer rapidement l'histoire : «Gru et Lucy sont maintenant marié et forment également un duo au sein de l'Anti-Vilain League. Leur principale mission concerne Balthazar Bratt, qui tente de dérober le plus gros diamant du monde. Mais bien que le diamant soit sauf, Bratt va leur échapper et ils vont porter les lourdes conséquences de leur échec. Tandis que les minions quittent Gru pour trouver plus méchant, un majordome vient le trouver pour lui annoncer que son frère jumeau souhaite le voir…»
Une histoire qui semble à première vue un peu forcée…
De fait, le problème du film vient principalement du scénario, et je ne sais pas vraiment par où commencer. Je vais commencer par la lacune la moins gênante : Le méchant. J'écris bien le MÉCHANT car le terme antagoniste n'est pas approprié comme on le verra plus tard. Le méchant donc se nomme Balthazar Bratt, un ancien enfant acteur des années 80 qui était à la tête d'une série à succès brutalement arrêté lorsque le jeune homme à grandit. Il a gardé la rancœur de cet arrêt soudain et a passé son temps à ourdir sa vengeance. Rien de très original me direz-vous mais je dirais que ce n'est pas non plus le plus mauvais des méchant, et le fait qu'il soit si kitsch et bloqué dans les années 80 est autant une bénédiction pour la nostalgie qu'il est risible. On a affaire à un méchant très passable, même si ce cher Bratt paraît assez simple et grossier. Le véritable problème est son importance presque insignifiante dans l'intrigue. Quand le film s'est terminé, je me suis demandé si sa présence était réellement nécessaire.
Cela tient dans la 2e lacune que je trouve être le gros problème du film : la multiplicité des sous-histoires. Il y a
la chasse de Bratt, le frère de Gru, la volonté de Lucy de faire bonne impression face aux filles, l'amour des licornes d'Agnès, le «tiraillement» de Gru entre son côté bon et son côté méchant, et les Minions qui s'en vont et puis reviennent (ce qui n'est pas un tout petit rien)
. C'EST TROP ! L'histoire s'éparpille dans tous les sens et au final je n'ai même pas vraiment observé d'intrigue principale qui donnerait son sens au film… La famille peut-être, vu que le film semble gravité autour du cercle familial… Je dis oui mais ce n'est pas franc, ce qui fait qu'à la sortie de la salle, je n'ai pas eu l'impression de plénitude, comme si le film n'était pas achevé.
Enfin, dernier problème (parmi tant d'autre, je passe rapidement), c'est le fait que les filles, Margot, Edith et Agnès, n'ont qu'un rôle anecdotique dans cette histoire et c'est grave. Je conçois que ça peut apparaître comme étant un problème pas si important que ça ; mais pour moi, de reléguer ces personnages capitaux presque derrière les minions tient de la bêtise. Ce sont les piliers de la saga puisqu'elles sont à l'origine du pivot et du changement du personnage principal Gru ; et leur faible présence fragilise encore une histoire déjà bancale. Quant à Dru, le frère jumeau, il se veut être l'antagoniste, un opposé de Gru tant dans les couleurs que dans la façon d'être. Il y avait là matière à beaucoup de situations comiques, si ce n'est qu'à cause de la multiplicité des sous-intrigues, son importance est diminuée et son impact aussi. De plus, le personnage n'est pas vraiment traité comme l'antagoniste, et son effet tombe à plat rapidement.
Vous l'aurez compris, c'est véritablement au niveau de son scénario que ce film pêche énormément. L'histoire se disperse, l'intrigue se cherche mais ne se trouve jamais vraiment, et les personnages n'ont pas l'impact attendu. Malgré tout, l'humour propre à la série est bel et bien présent, les minions sont toujours aussi poilant et le film reste un bon divertissement, techniquement irréprochable et bien rythmé, mais qui va d'avantage plaire aux plus jeune qu'aux plus âgés qui seront certainement déçu par la faiblesse de l'ensemble. Il y avait tellement à faire dans l'opposition entre Gru et son frère, dans le conflit entre son MOI gentil et son MOI méchant… Mais partir dans autant de direction rappel d'avantage les astuces d'une série télévisuelle comme "Les Simpsons" pour renforcer artificiellement le scénario et combler l'épisode.
Et d'ailleurs, ce n'est pas le seul stratagème venu des séries que le film utilise. Et même, j'ose une hyperbole, ce n'est pas le seul film à être concerné. Cela fait plusieurs années que de voir ces sagas de film qui, à l'image des séries TV, n'en finissent pas de grandir, me titille l'esprit. Serait-ce la loi des séries ?...
Digressons un peu en aparté…
Depuis les débuts de la télévision, le statut de la série TV était de loin inférieur au cinéma, la TV étant considéré comme un simple divertissement remplissant un certain laps de temps entre deux occupations où le programme ayant le plus de succès était le journal d'information. Le cinéma lui a toujours bénéficié de son aura de média au discours puissant et d'expérience émotionnelle que l'on vit à la fois en solitaire et en communauté. En bref, le cinéma avait un statut de prestige, et la télévision un statut beaucoup plus bas de gamme ; mais il est aujourd'hui évident que les différences entre les films de cinéma et les séries TV ne tiennent plus qu'aux divergences de structure de l'histoire (et un peu au budget aussi…quoi que…). Avec le développement massif du numérique, les outils pour faire ou des films de cinéma, ou des séries TV sont les mêmes, des caméras aux systèmes de post-production. Il existe de plus en plus de série qui ne sont plus seulement des façons pour les chaînes de remplir leur grille de programme mais bel et bien des œuvres à l'écriture tout aussi poussée voire plus que pour du cinéma.
Quand on voit le succès de séries comme "Game of Thrones", "The Walking Dead" ou "Breaking Bad" entre autres, on se rend bien compte que le statuts-quo à évoluer. Mais ce n'est pas de ça dont je veux vous parler ; le fait de voir des séries TV d'aussi bonne qualité qui plaisent au public est une très bonne chose, même si pour des raisons de structures, je n'ai personnellement jamais accroché aux séries. Ce qui me déplaît, et ce qui m'amène à reprendre l'exemple de ce "Moi, moche et méchant 3", c'est de voir des films de cinéma qui ressemblent de plus en plus à des séries TV.
Je pense que tout le monde a remarqué que depuis maintenant des années et des années, on voit fleurir de toutes part des «franchises» (comme des magasins), c’est-à-dire une série de films ayant un succès suffisant pour donner des suites qui vont reprendre l'univers, les personnages mais pas forcément continuer l'histoire où même garder le même esprit d'histoire. Je ne parlerais pas ici du Marvel Cinematic Universe, ou de son complice le D.C.Extended Universe qui sont des cas à part dans l'univers des séries de films, mais bien de ces saga dont chaque épisode porte généralement le nom de la franchise avec soit un sous-titre qui lui est propre, soit un numéro s'incrémentant au fil des épisodes, voire même les deux. Les exemples sont nombreux et je vous laisse prendre comme référence la saga qui vous parle le plus ; pour ma part, je ferais entre autres référence à la franchise du studio Illumination qui nous occupe ici, mais aussi à une autre franchise animée : "L'âge de glace".
Les deux sagas animées ont connu grosso-modo le même départ en trombe avec le même succès, et des suites sont rapidement venu combler l'appétit des spectateurs de retrouver les deux univers et les deux ensemble de personnages. Le succès faisant, d'autres épisodes ont vu le jour. On en est là pour la saga de Gru, mais la franchise "L'âge de glace" a continuer, nous donnant deux autres épisodes, et le 6e opus semble annoncé pour 2019. Mais à l'heure actuelle, les deux séries ont le même défaut : elles semblent épuisées. Selon moi, les trois premiers opus de "L'âge de glace" étaient très bon car pertinents et dans la bonne continuité de l'univers lié aux personnages. Le 4e était déjà plus artificiel, avec une intrigue certes toujours assez pertinente vis-à-vis de l'univers mais trop grosse pour que la sauce prenne vraiment. Quant au 5e, il ressemble un peu à un soupir de douleur en faisant appel à une histoire peu crédible et surtout en faisant appel à une technique qui s'apparente à ce que pourrais utiliser une série TV pour se sortir de la panade et renouer avec l'audience : faire appel à un personnage que le public aime mais qu'on était pas sensé retrouvé après lui avoir dit au revoir dans un épisode précédent. Mais surtout, le plus gros problème, les personnages tournent en rond et n'évoluent que trop peu. Entre le 4e épisode et le 5e, les personnages semblent revenir pour vivre une nouvelle aventure mais leurs évolutions est trop faible en fin de film par rapport au début. La réaction après avoir vu ces films est la suivante : Et alors ?
Eh bien c'est exactement mon ressenti face à ce 3e épisode de "Moi, moche et méchant". Comme dans beaucoup de série du type «bouclé» comme "Les Simpsons" ou "Columbo" (la liste est longue), le film présente la structure type d'un épisode de série TV : Les personnages sont dans un état au début de l'épisode, puis un évènement perturbateur arrive qui change la donne, suivit d'un voyage qui finira indubitablement par ramener les personnages à leur état initial. Cette règle est appliqué presque à la lettre ici. Je dis bien presque, car il y a Dru, le frère jumeau qui se joint à la fête ; mais comme on l'a vu précédemment, son impact est bien faible.
De plus il y a un autre point qui peut faire penser à une série TV : les intrigues qui semblent sorties de nulle-part. Dans cet épisode, l'intrigue se veut centrer sur le fait que Gru se découvre un frère jumeau, frère dont strictement rien ne nous laissait paraître l'existence. Vous allez me dire : «Oui, mais c'est un peu le principe de surprendre les gens, et ça marche…» Oui, même si ce n'est pas très bien utilisé ; mais si le spectateur n'est pas trop exigeant, la pilule s'avale. Mais cette franchise n'en est qu'à son 3e épisode. Qu'est-ce qu'ils vont aller chercher pour la suite ? Si je reprends mon parallèle avec les aventures de Manny, Sid et Diego, même si le 3e avait déjà un peu ce défaut (retrouver les dinosaures façon "monde perdu"), c'est avec le 4e et surtout le 5e que c'est devenu trop gros pour être crédible. Dans la même lignée, il y a une saga qui est championne de l'intrigue surréaliste : "Transformers". J'en ai déjà un peu parlé dans mon article sur "The last knight", à chaque épisode, les intrigues semblent sortir du chapeau d'un magicien, et Mégatron est toujours le seul au courant ! La saga "Transformers" est un cas un peu particulier car elle n'a jamais vraiment eu de cohésion ni de cohérence, si ce n'est au niveau des personnages principaux et du style.
Mais voilà où on en est avec les aventures de Gru ou de Manny : on ne peut s'empêcher de se demander "qu'est-ce qu'il vont nous sortir la prochaine fois…", avec un petit pincement au cœur en se souvenant de l'excellente surprise qu'avait été le premier opus de chaque saga, et une bien triste appréhension de voir un nouvel épisode qui ne se voudrait qu'un bis repetita des opus précédents. Il y a une saga qui s'en est rendu compte à temps : "Shrek". Après les deux premiers opus qui étaient vraiment de grande qualité, le 3e a énormément déçu tant la critique que le public avec une intrigue rocambolesque et bidon. Après cet échec, Dreamworks Animation a compris que ça ne servait à rien d'aller trop loin et on fait du 4e volet des aventures de l'ogre vert un adieu au public pertinent et de qualité, et la saga a tiré sa révérence avec les honneurs. C'était effectivement la chose à faire avant de faire n'importe quoi (même si on annonce depuis quelques temps le retour de la saga, ce qui n'augure rien de bon…).
Bien sûr, tout ce que vous venez de lire n'engage que moi. Je suis sûr qu'il y a des personnes qui pensent exactement le contraire, et je le respecte totalement. Je vous encourage d'ailleurs à commenter pour m'exposer votre point de vue. Mais personnellement, j'ai la conviction que faire une série ou une saga n'est pertinent que si l'histoire l'exige, et uniquement pour que le ou les personnages principaux atteignent un bût. Bâtir une franchise en se basant uniquement sur le succès commercial et non sur l'histoire, qui se voudrait étalée sur plusieurs films ("Le seigneur des anneaux" ou "Hunger Games", etc) ou sur l'évolution des personnages ("Bourne", "Les chroniques de Riddick", etc) ; en produisant simplement un épisode de plus afin de ramener des spectateurs dans les salles et donc de l'argent n'est pas un pari gagnant sur le long terme, à moins de faire des chefs-d'œuvre à chaque épisodes (ce dont je n'ai pas connaissance qu'aucune saga ai réussi à le faire jusqu'à présent…). Le risque principal est que les spectateurs vont se lasser et décrocher d'un univers qui n'apporte pas assez de nouveautés ou qui se veut incohérent.
Le message est lancé, messieurs les auteurs et producteurs. Je suis vraiment le dernier à pouvoir vous blâmer de profiter du succès d'un film pour en faire une suite et donc assurer une rentrée d'argent qui va servir sur d'autres projets. C'est la réalité de l'industrie. Mais faites-le de la façon la plus pertinente et cohérente possible. J'en ai assez de voir des sagas de films qui n'ont ni queue ni tête et dont les nouveaux épisodes ont cessé d'apporter quelque chose à l'univers. Je respecte totalement le média télévisuel ; mais nous faisons du cinéma ! Redonnons au grand écran ses lettres de noblesse au lieu de le rabaisser à la vieille époque des séries sans fin et sans âme de la TV.
Comme le disait Aristote : "En toute chose, c'est la fin qui est essentiel".