Présenté durant divers et prestigieux festivals, le dernier film de Hans Petter Moland, Refroidis, avait de quoi susciter une certaine curiosité. Amateurs de polars glaçants, aficionados de films noirs et tortueux avaient entrevus, dès la première bande-annonce, la promesse de savoureux moment de pessimisme jouissif tel que seuls les artisans scandinaves savent nous en offrir. Moland, n’étant pas le premier des arrivistes sur la scène cinématographique norvégienne, nous livre un film qui n’est pas aussi simple qu’escompté, du fait notamment d’une vision tragi-comique d’une explosion de violence improbable liée à la criminalité en bande organisée. La vengeance d’un père, surprenant citoyen à la froideur légendaire, déclenche une guerre mafieuse sanguinolente dans l’extrême nord d’un pays pourtant réputé si serein. Voilà en somme une nouvelle démonstration de la désacralisation de la sacro-sainte paix sociale nordique, jouissive et illustré ici notamment par un savoureux échange portant sur le choix entre soleil et social.
Mais par-dessus le marché, Refroidis est avant toute chose un pur Western, certes ayant voyagé en terres glacées mais un Western tout de même. La vengeance déclenchant un règlement de compte sauvage, les morts répétées, l’aliénation d’une petite partie d’une modeste population rurale ou prolétaire, des personnages au charisme improbable, sans compter sur une froideur dans l’exécution de la violence qui nous renvoie aux pires séances d’abatage de l’histoire du grand Ouest. Moland varie les genres et livre également un film couronné d’un humour noir omniprésent, une sorte de détachement tragi-comique de toute empathie probable, de toute logique humaine. Comme l’ont faits d’autres cinéastes et romanciers scandinaves par le passé, Refroidis est une pépite de noirceur, le prodigieux portrait de cœurs de glaces en guerre les uns contre les autres. Mais cela fait-il du film un indispensable pour autant? Peut-être pas.
Malgré une photographie soignée, une mise en scène léchée, notamment lors des virées spectaculaires en chasse-neige le long d’une route découpant un paysage glacial, sauvage et hostile, le film manque parfois de profondeur. On apprécie le personnage de Niels, incarné par le brillant Stellan Skarsgard, de retour momentanément au pays, mais peinons à ressentir une quelconque inquiétude, appréhension ou réjouissance face aux actes des divers autres intervenants, notamment de Bruno Ganz en parrain mafieux serbe aussi improbable que saugrenu. En somme, si tout commence bien, sur la bonne pente, le tout semble s’enliser sous une montagne de scènes funs, de dialogues stéréotypés pour se conclure de manière relativement prévisible.
Un film essentiel, en 2014, pour tout amateur de polars qui se respecte. C’est indéniable. Pourtant, Refroidis ne reflète qu’en partie les formidables échos qui ont précédés sa sortie en salle, réjouissant de par sa mise en scène, son exotisme, sa satyre sociale de la population scandinave, une de plus, mais décevant de part un aspect loufoque qui ne cadre pas toujours très bien avec le postulat de base. Mais enfin, les aficionados en parleront en bien, les amateurs de cinéma nordique et de Hans Petter Moland s’y retrouveront aisément et le monde continuera de tourner. Ça reste pour moi une légère déception. 13/20