Au-delà de sa particularité, un tournage qui s’est étalé sur 12 ans pour suivre Mason de ses 6 ans à ses 18 ans, « Boyhood » est un film qui parle du passage du temps. Du temps qui file qui permet aux personnages du film de se construire, de s’épaissir, de prendre leur envol comme Mason. Et tout ça sans effet spéciaux. Un film qui a su prendre son temps, c’est le cas de le dire. Quelque part le film relève de la prouesse. C’est un pari osé, un pari sur l’avenir, un pari sur la fidélité. Le pari aurait pu être interrompu en cours de route. Un acteur aurait pu être victime d’un accident, d’une incapacité physique, d’une incompatibilité d’humeur, d’une lassitude, d’un découragement. Le réalisateur n’était pas non plus à l’abri d’une infortune. C’est aussi un pari fou scénaristique, si je puis m’exprimer ainsi ; à bien y regarder, c’est un récit dénué d’enjeu : le réalisateur n’est pas rentré dans le jeu d’un personnage qui plonge dans la drogue, d’un personnage mutilé par un accident grave ou victime d’une agression crapuleuse, d’un personnage manipulateur, d’un personnage qui s’adonne à des malversations financières, criminelles que sais-je ? Non, c’est tout juste une chronique familiale qui traverse douze années très ordinairement. Comme la grande majorité des gens sur cette planète. Et ça fonctionne. Grâce à des dialogues qui tiennent la route et à un casting qui assure remarquablement de spontanéité, de retenue, de professionnalisme, à commencer évidemment par le premier concerné, Ellar Coltrane. Le réalisateur nous a épargnés des enfants et des ados têtes à claques ! Pas d’hystérie, de conflits mère-fille, de gosse qui n’en fait qu’à sa tête.
La séquence où Mason reçoit pour ses 15 ans un costume, une bible et un fusil est significative de son éducation ; il reçoit ses cadeaux pourris avec politesse.
Que ce soit dans son regard, dans ceux de sa soeur et de son père, la gêne est subtilement perceptible. Voilà pourquoi, je tiens à saluer l’interprétation de Lorelei Linklater (Samantha), Patricia Arquette (Olivia, la maman), et Ethan Hawke (le père). A voir en V.O pour entendre la mue d’Ellar Coltrane ! A découvrir.