Bon bah… Pas de surprise au fond. On ne pourra pas reprocher à ce troisième opus de cette nouvelle saga « la planète des singes » de ne pas être cohérent et raccord avec ses deux précédents épisodes. En cela, je pense du coup que ceux qui ont su apprécier la dynamique et l’esprit mis en place entre les épisodes « Rise » et « Dawn » s’y retrouveront pleinement avec ce dernier épisode aux allures de conclusion. Mais bon, malheureusement, cela veut dire aussi que ceux qui avaient décroché entre le premier et le second volets risquent de leur côté de trouver le temps sacrément long… Et ce fut mon cas ! Alors ce n’est pas que je ne lui trouve pas de mérites à cette « planète des singes : suprématie », bien au contraire ! On a quand même à faire là à un film propre qui sait retenir ses coups et ménager ses effets. A une époque où les grands studios se disent que le pognon doit se voir à chaque seconde avec des effets visuels ébouriffants et des musiques pompières à gogo, cela fait du bien de tomber sur un film comme ça qui est économe dans le mot, qui sait marquer des temps, qui pense la plasticité de ses plans autrement que comme de simples démonstrations numériques… D’ailleurs, s’il fallait parler de démonstration numérique, je pense que le film illustre au mieux ce qu’elle doit être. On dit souvent qu’un bon effet spécial c’est celui qui sait se faire oublier, eh bien c’est (presque) le cas dans cet épisode. Au moins dans ce film, chaque plan et chaque jeu d’acteur est pensé pour être au service de l’intrigue et non pour être au service de la seule démonstration. Donc oui, ajoutons à cela une atmosphère qui a quand même quelque-chose pour elle, et on pourra se dire qu’on a clairement de quoi défendre cette « planète des singes » et ressortir de là sans avoir l’impression qu’on a perdu son temps… Malgré tout, je ne vais pas vous mentir non plus – et malgré toutes les qualités que je viens d’énoncer – ce film il me laisse aussi froid qu’après un bain de minuit pris à Malo-les-bains en plein hiver… Moi, ce qui me choque avec cette « planète des singes » c’est qu’au fond elle n’a pas grand-chose à dire. C’était déjà le cas dans l’épisode précédent : passé l’allégorie de la conquête de l’Ouest par l’homme blanc sur les Amérindiens, il n’y avait plus rien. Eh bah là c’est pareil : à part nous sortir une nouvelle allégorie – ce coup-ci avec la situation des Juifs lors de la Seconde guerre mondiale – moi je ne trouve rien d’autre en termes de propos dans mon écran radar… Parce qu’au-delà de ça, l’intrigue ne comporte quand même vraiment pas grand-chose et met en plus des plombes à se déployer… L’exposition passe encore, mais alors tout ce qui concerne ensuite
la traque
puis
la captivité
, mais c’est d’un longuet ! Et qu’est-ce qui s’y dit finalement ? Qu’est-ce qu’on apprend des personnages ? Qu’est-ce que leur parcours nous révèle ? On nous dit à la fin que César
était quand même un sacré chef et que personne n’oubliera ce qu’il a fait… OK mais en quoi c’était un grand-chef ? A quel moment a-t-il été confronté à un dilemme ? A quel moment a-t-il dû assumer une erreur ? Tout le film nous rabâche le fait qu’il est guidé par la vengeance et qu’en cela il se rapproche de Koba. Mais où est-ce qu’il a lutté ? Où est-ce que son attitude vengeresse a impacté positivement ou négativement sa communauté ? Parce que bon, s’il n’était pas parti pour trucider le colonel, il se serait fait capturer comme tout le monde et on aurait gagné trois-quarts d’heure de film ! De même, le fait d’avoir sauvé la petite ne lui apporte rien au fond ! Certes c’est elle qui apporte de l’eau et de la nourriture à César lorsque celui-ci est captif… Mais bon, ça aurait été un singe ça ne changeait rien ! Idem pour la poupée contaminée… Le fait que le colonel soit finalement condamné par le fait d’avoir contracté la maladie permet d’éviter à César d’avoir à faire un choix. Le colonel montre son envie manifeste de se suicider. Et s’il ne l’avait pas fait, ses hommes l’auraient tué. Donc encore une fois, les choix de César sont anecdotiques dans ce film. Au fond, tout ce qu’il a fait, c’était d’être reconnu comme chef par la communauté, rien de plus… On retire César de l’intrigue, il se passe quasiment la même chose. Qu’il s’agisse de l’exploration du nouveau monde, du sauvetage de la petite fille ou de l’évasion, rien ne relève de son ressort au final. Tout est le produit ou l’action de tiers… Mais bon, l’histoire nous dit donc qu’il aura su être un grand chef… Soit. En quoi, on ne saura jamais. Mais il l’a donc été. Soit. Voilà bien un truc que (ne) nous aura (pas) appris la saga !
Et le problème, c’est que ce problème que j’ai avec la narration qui tourne autour de César, c’est qu’elle peut s’étendre au final à l’ensemble de l’intrigue. Parce qu’au fond, là aussi sur l’ensemble du film, que s’est-il passé ? S’il y a eu épopée, qu’en est-il ressorti ? Que nous a-t-il été dit au travers de cette lutte pour la survie ? Moi j’ai beau chercher, je ne trouve rien. J’en suis même arrivé à me dire une chose toute bête durant le film. Si on avait raconté la même histoire, mais en remplaçant les singes par d’autres humains, aurait-on vraiment trouvé un intérêt quelconque à la raconter ? 2h20 juste pour dire «
bah voilà il y a deux peuples dont un qui veut en exterminer un autre. Le peuple plutôt gentil essaye de fuir mais se fait capturer. Du coup il s’échappe et il survit. Fin.
» C’est triste à dire, mais moi, dans cette « Planète des singes », je ne vois rien de plus que ça. D’ailleurs, pas mal d’inconnues sont finalement laissées en jachère jusqu’au générique final. Et même si la scène finale (j’entends par là
la grande bataille
) peut se vanter d’avoir un brin d'élan et de fougue, elle débouche elle aussi sur une solution de facilité qui évacue toutes les questions qu’on aurait pu être en droit de se poser (
Parce que bon, présenté comme c’est, le film a l’air de nous dire : « bon tous les humains de la planète qui pouvaient être menaçants sont morts dans l’avalanche donc les singes vivront heureux et en paix pour toujours… » Les femmes et les enfants qui n’étaient pas au combat, visiblement on s’en fout. Ce que le virus va produire sur eux, visiblement on s’en fout aussi. Ce qui se passe sur les autres continents, visiblement on n’en fout tout autant… Franchement, si le but de la conclusion c’était d’aboutir à un truc du genre « les singes et les humains inversent leurs places », pour le coup je pense que ça aurait clairement mérité d’être développé bien plus profondément que ça et pas être torché comme ça en seulement cinq minutes !
) En somme, j’ai beau reconnaître de réelles qualités formelles à ce film, je ne peux – encore une fois pour cette saga – que rester dubitatif sur le fond. Sur ce point, pour moi, cette « planète des singes » ne dénote finalement pas tant que cela du reste de la production. Cela reste en fin de compte qu’une simple démonstration technique, certes propre cette fois-ci, qui n’est au service d’aucun véritable propos ni d’aucune véritable démarche… Et c’est tout le paradoxe. Je disais tout à l’heure que le mérite de ce film était de mettre sa technique au service de l’intrigue. Mais l’intrigue elle-même ne semble rien vouloir dire, si bien qu’elle donne l’impression de n’exister que pour servir la démonstration technique. Etrange paradoxe donc d’un blockbuster qui finalement fait aussi peu que les autres, tout en le faisant mieux… Après tout, c’est peut-être aussi ça l’identité de cet Hollywood du début XXIe…