Trois ans ont passé depuis "L’affrontement". Et trois ans de plus depuis "Les origines" de toute cette histoire. Mais ce temps qui passe est balayé en quelques tableaux récapitulatifs, histoire de remettre dans le bain le spectateur qui n’avait pas pris la peine (ou le temps) de revenir sur les épisodes précédents avant de passer à celui-ci. Quelle idée lumineuse, quand on y pense ! Car c’est efficace, tout en ayant en bruit de fond les sons d’une forêt vivante. A cette occasion déjà, le spectateur pourra constater la qualité dans la répartition de la bande son : il lui suffirait de fermer les yeux pour se croire vraiment en plein milieu de la forêt, comme plus tard il pourrait s’imaginer sans peine qu’il est entouré de primates. C’est dans cette ambiance forestière que nous retrouvons César et ses semblables. Les singes sont plus nombreux, et toujours aussi évolués : ils paraissent plus humains, et de les voir vivre dans leur milieu naturel selon des règles sociétales bien définies, le spectateur prend encore plus fait et cause pour cette tribu de singes, finalement plus humaine que les humains eux-mêmes, et qui ne demande qu'une seule chose : vivre tranquillement dans la forêt. Oui vous vous en doutez, tout ne va pas rester rose, sinon autant tourner le remake de "Gorilles dans la brume", encore que : l’héritage de Koba (la guerre), est bien présent. Cela va donner l’épisode le plus violent, bien qu’il n’y ait finalement qu’assez peu de scènes d’action. Je sais, cela parait contradictoire mais c’est ainsi. Oh, de l’action, je n’ai pas dit qu’il n’y en avait pas : si, si, je vous rassure, il y en a, mais pas autant que dans "L’affrontement", évitant ainsi de tomber dans le piège facile qu’est la surenchère. Cela aura permis de laisser la place à l’émotion. Une grande place. Et quand la place est grande, ça ouvre la porte aux émotions fortes. Certaines pourraient même faire perler quelques larmes au bord des yeux. Allons bon ! Verser sa larmichette sur un film à grand spectacle ? Eh bien pourquoi pas ? Du moment que c’est bien amené… Le fait est que c’est bien amené, sans qu’en plus ça ne tombe jamais dans le larmoyant, bien qu’on puisse déplorer quelques effets de longueur ici ou là
(notamment lors de la détention)
. Mais cette baisse de régime en matière d’action a permis aussi d’intégrer un poil d’humour, toujours à dose homéopathique mais ô combien efficace. Cela a été rendu possible par l’intermédiaire d’un singe qui ne manque pas de rappeler Gollum. Quoiqu’il en soit, tous ces aspects sont merveilleusement accompagnés par la bande originale de Michael Giacchino, jusque dans les moments de tension. Oui la tension est palpable, du fait de la présence d’un grave enjeu et de notre profonde empathie envers les singes. Franchement, j’ai du mal à imaginer "La planète des singes : suprématie" sans cette musique-là. En réalité, je ne le conçois même pas. La mise en scène est maîtrisée, la réalisation est dynamique sans utiliser d’effet de style inutile, le montage rend le récit d’une fluidité à toute épreuve, et la photographie est à en tomber par terre. Si Matt Reeves est parvenu à un résultat aussi hallucinant de beauté, c'est parce qu'il a su prendre son temps pour développer l'histoire et la psychologie de chacun. Il le doit donc à la qualité de ses comédiens et à sa façon de les diriger, mais aussi à l’immense qualité des effets spéciaux. La motion capture est une nouvelle fois à l’honneur, mais quand on sait que cette technique limite le nombre de personnages devant la caméra (15 au grand max), le spectateur ne peut être que bluffé devant les 800 singes présents sur l’écran. Un véritable tour de force ! Le plus hallucinant est quand on les voit plus en détail : les voir boire du bout des lèvres, la texture précise de leur pelage, l’animation faciale au point que les singes sont plus expressifs que jamais, tout cela ensemble renverrait presque la saga des années 60/70 au rayon des séries B, car les singes de ce nouveau millénaire sont aussi vrais que nature et aussi naturels que les vrais, la parole seulement en plus. Sauf que par moments, on pourrait se passer de leurs paroles tant leur expression scénique est éloquente. "La planète des singes : suprématie" est un film énorme visuellement, musicalement et photographiquement parlant. Artistiquement, je ne vois pas grand-chose à redire. Ceux qui attendaient encore plus d’action, plus de spectacle, pourraient s’en retrouver déçus, mais il n’en reste pas moins un spectacle diversifié devant lequel le spectateur s’émerveillera, passant du rire aux larmes, tout en détournant le regard sur les atrocités dont certains êtres humains sont capables. Un spectacle diversifié aussi dans les décors, avec une opposition très marquée entre la magnificence des décors naturels, et la noirceur d’un site jadis laissé à l’abandon. Ce n’est pas pour rien si le vert est la couleur de l’espoir, tandis que le noir… Une trilogie maîtrisée à tous les niveaux et terminée en beauté avec en prime un superbe face à face entre Andy Serkis et Woody Harrelson, dont on sortira le cœur emporté définitivement par cet orang-outan d’une indestructible et remarquable sagesse, fidèle ami et plus que jamais "conscience" du Roi César.