Déjà auteurs ensemble de 3 documentaires poignants sur les habitants du Nordeste brésilien (paysans sans terre, gamins des favelas ou déracinés de l’exode rural…), tous oubliés du miracle économique qu’ils filmaient avec respect et empathie, et dont ils montraient, derrière le dénuement, l’incroyable force de vie, Jean-Pierre Duret et Andrea Santana ont planté cette fois leur caméra chez nous, en France, dans ce qu’on appelle désormais le quart-monde. Nous sommes à Givors, ville ouvrière de la banlieue de Lyon ravagée par la désindustrialisation. Travailleurs pauvres, chomeurs chroniques, déclassés, réfugiés roumains… le film embrasse, dans une grande diversité de situations, tous ceux qui se débattent au delà de la galère. Hasard du calendrier, il sort 5 semaines après "Au bord du monde", le documentaire de Claus Drexel consacré aux Sdf, autres invisibles. On objectera qu’il est sans doute formellement moins beau, d’une construction moins évidente. Mais alors que Drexel choisissait de scruter la nuit (la ville lumière vs ses passagers clandestins), et travaillait sur ce seul et commode contraste (ignorant à dessein les causes de la dégringolade, le boulot des associations, les maraudes…) les réalisateurs de "Se battre" me paraissent se coltiner leur sujet d’une toute autre façon. Sans pathos, sans souci d’esthétisme, ils entrent doucement dans le quotidien de ces très pauvres, mais aussi de ceux qui se battent à leurs côtés. Le film se construit sous nos yeux, il est l’addition de ces rencontres, de ces paroles dignes et pudiques, habitée par la volonté de tenir, de rester debout. Portrait saisissant, et très perturbant aussi, de la France des lisières. Le titre, métaphore portée par un des personnages, jeune boxeur à l’intelligence bluffante, s’adresse évidemment à nous tous : Se battre !