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    Bartleby
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    anonyme
    Un visiteur
    2,5
    Publiée le 26 février 2014
    Une ambiance intéressante entre du Courteline et du Kafka et malgré un scénario restreint Maurice Ronet avec des acteurs excellents donne une force certaine à cette adaptation. Quelques transitions auraient pu être améliorées et la voix off utilisée plus souvent pour donner un peu plus de densité.
    soniadidierkmurgia
    soniadidierkmurgia

    1 177 abonnés 4 170 critiques Suivre son activité

    4,5
    Publiée le 31 août 2024
    Maurice Ronet, l’acteur de « Plein Soleil » (René Clément, 1960), du « Feu follet » (Louis Malle, 1963), de « La Femme infidèle » (Claude Chabrol, 1969) et de « Raphaël ou le débauché » (Michel Deville, 1971) est un peu l’ange maudit du cinéma français des années 1960 à 1980. Sa carrière pourtant riche de près de 100 films en 33 années de carrière ne l’aura jamais vu accéder au statut qui aurait dû être le sien : celui d’un premier rôle recherché et unanimement reconnu. Le charme sulfureux qui se dégageait de son physique avantageux et de sa voix chaude et puissante ainsi que son talent éclectique auraient pu voir sa carrière suivre en parallèle celle d’un Michel Piccoli qui par bien des aspects était son alter-ego générationnel. Qu’est-ce qui n’a donc pas fonctionné, laissant toujours Maurice Ronet un peu en marge ? Sans doute un manque d’envie, une distance un peu bravache avec le milieu du cinéma, l’attrait pour d’autres formes d’expressions artistiques (peinture, littérature, …) mais aussi une forme d’angoisse existentielle qui transparaîtra très tôt dans le regard sombre toujours un peu inquiet de l’acteur, s’affirmant encore davantage au fil du temps et des rôles sur un visage marqué par les abus qui finiront par emporter Maurice Ronet à seulement 55 ans. En 1964, assez tôt dans le déroulement de sa carrière, l’acteur alors en vogue s’essaie à la réalisation. D’abord avec « Le voleur du Tibidabo » puis avec un documentaire sur les dragons de Komodo (1973) aussitôt suivi d’un téléfilm consacré à la guerre de décolonisation du Mozambique (1973). Grand admirateur d’Herman Melville et d’Allan Edgar Poe qui sont ses deux auteurs de chevets, il leur consacre trois téléfilms entre 1976 et 1981. En 1976, c’est « Bartleby, le scribe » qui retient son attention, une nouvelle d’Herman Melville parue en 1853 spoiler: devenue l’objet d’une véritable passion pour les philosophes chantres de la déconstruction entre 1960 et 1980, cherchant à la parer artificiellement d’une portée politique prophétique permettant de valider leurs propres thèses
    . Marcel Jullian, le Directeur des Programme d’Antenne 2 lui-même fin lettré encourage le projet qui tient particulièrement à cœur à Maurice Ronet tant le thème de la nouvelle semble entrer en résonance avec la vision un peu désenchantée de la vie qui émane souvent des personnages interprétés par l’acteur. Participant activement à l’adaptation avec Yvan Bostel et Jacques Quoirez, il transpose l’intrigue du New York de 1853 au Paris (quartier Vivienne dans le 2ème arrondissement) des années 1970 sans doute pour des raisons de commodités mais aussi parce que le thème abordé est d’évidence intemporel. Le notaire de la nouvelle est remplacé par un huissier de justice (Michael Lonsdale) spoiler: vivant seul avec sa gouvernante dans un petit appartement où il collectionne les soldats de plomb de l’époque napoléonienne. Son étude à proximité est plutôt vétuste et peu fonctionnelle, composée de deux employés (Dominique Zardi, Maurice Biraud) et d’un jeune commis (Jacques Fontanelle). En quelques plans, Maurice Ronet brosse le portrait d’un homme de loi plutôt timoré évoluant dans un univers restreint au sein duquel la nature procédurière et bureaucratique de sa fonction tient lieu de potion illusoire à un mal être que l’acteur et son réalisateur font transparaître à merveille. Le peu d’autorité sur la petite équipe qui lui fait face dans l’espace restreint de l’étude sera le terrain favorable à tout ce qui va suivre
    quand soudain fait irruption dans l’étude un dénommé Bartleby (Maxence Mailfort) tombé du ciel pour venir renforcer la petite équipe bancale et un peu dépassée par la tâche comme le montre la salle d’attente en permanence encombrée des mêmes clients jamais servis. spoiler: Le jeune homme glabre et inexpressif s’avère un véritable bourreau de travail qui rapidement renvoie aux deux employés leur inefficacité. Ne prenant pas de pause déjeuner, écrivant sans dire un mot jusqu’à plus d’heure, Bartleby suscite vite des commentaires antagonistes. Désemparés, intrigués et empathiques de la part de l’huissier, méfiants voire hostiles de la part des employés. Le scénario davantage que la nouvelle met l’accent sur la transformation de l’huissier pour qui l’attitude hiératique et mutique de Bartleby avec son fameux « Je ne préférerais pas » succédant assez rapidement à son orgie de travail, agit comme le révélateur de son propre malaise
    . Projection fantasmatique de ce que lui-même est réellement ou est en train de devenir ? A méditer. Probablement concerné par le récit, Maurice Ronet n’a pas mis l’accent sur l’aspect politique évoqué plus haut qui à l’époque avait sorti la nouvelle de son relatif anonymat. Ce parti pris teinte progressivement le film d’une tonalité fantastique tout à fait intéressante qui lorgne plus du côté du phénomène de l’autoscopie évoquée dans « Le Horla » de Guy de Maupassant que des écrits de Karl Marx, même si Maurice Ronet n’omet pas de moquer une bureaucratie poussiéreuse et tatillonne qui n’est pas née avec le capitalisme mais semble bien et d’assez longue date constituer un tropisme humain incurable de la vie sociale organisée frappant tous types de régimes. Michael Lonsdale dans l’un de ses rares premiers rôles au cinéma est tout simplement prodigieux, exprimant par son seul regard tous les sentiments traversant l’âme embrouillée de l’huissier débonnaire qui spoiler: ne comprend pas ou alors trop bien la mélancolie qui frappe Bartleby qui comme il le dit à ses employés circonspects : « ne veut pas mourir, mais tout simplement ne pas vivre »
    . Maxence Mailfort époustouflant tenant là sans doute le rôle de sa vie explique que Maurice Ronet après l’avoir recruté lui avait dit qu’étant le plus mauvais des candidats, il ne pouvait que le choisir. Quarante ans après le tournage, l’acteur reconnaissant confirme que Maurice Ronet était peut-être destiné à devenir un grand cinéaste. Herman Melville lui-même dépressif épisodique tout au long sa vie termine sa nouvelle après que Bartleby est mort par ces mots : « Ah Bartleby ! Ah humanité ! ». C’est une vaste interrogation sur le sens ou plutôt le non-sens de la vie des êtres vivants doués de raison qui peut animer le spectateur, après 96 minutes passées en compagnie de l’envoûtant Bartleby et de celui qui l’approchant de trop près se perdra un peu avec lui. Diffusé en avril 1976 à la télévision, le téléfilm a été exploité en salles en 1978. Très chaudement recommandé.
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