Pour le réalisateur, David Lambert, le film pose la question suivante : "Quel prix est-on prêt à payer pour être aimé ? Psychologiquement, socialement, financièrement ? Qu’est-ce qu’on offre et que reçoit-on en retour ? Je suis à toi, c'est la rencontre entre une misère affective et une misère économique."
Le personnage joué par Jean-Michel Balthazard, Henry, est boulanger. Le réalisateur a expliqué ce choix : "La boulangerie est un lieu (...) que je trouve très cinématographique. J’aime filmer les gestes du travail dans cet endroit hors du temps, aux horaires décalés. J’avais exploré ce lieu dans mon court métrage Vivre encore un peu, et j’ai continué ici car j’étais très inspiré par le personnage de Jean-Michel Balthazard, que je voulais recontextualiser dans un décor similaire. Je trouve la boulangerie parfaite pour cette histoire, qui est comme un cocon à la fois très chaud et très dur. Le film tente de rendre compte d’un monde qui disparaît, celui des petits commerçants, des artisans du pain qui refusent les consortiums industriels et se sacrifient pour un commerce de proximité et de village."
Le titre, "Je suis à toi", est un écho à ce que recherchent les personnages : "Lucas fait croire à Henri qu’il est à lui, Henri aimerait être complètement à Lucas", explique David Lambert, en poursuivant : "et enfin c’est Audrey qui aimerait retrouver ce sentiment d’appartenir à quelqu’un, mais qui n’y parvient pas vraiment. (...) Je suis à toi, c’est l’illusion de l’amour, car on a toujours envie d’être complètement à quelqu’un sans jamais y parvenir. Au final, toutes nos relations amoureuses contraignent notre libre arbitre. C’est ce que raconte le film."
D'après David Lambert, Je suis à toi penche plus vers la comédie que son film précédent, Hors les murs. "Hors les murs est construit sur des personnages qui vont droit dans le mur parce que c'est une histoire d'amour qui se termine mal. Dans Je suis à toi, c'est presque la dynamique inverse. Cela ne commence pas très bien, les personnages sont dans une sorte de noirceur et cela va vers la lumière."
David Lambert a émis l'hypothèse d'une deuxième version de Je suis à toi, qui contient des scènes de sexe extrêmement crues, nécessaires pour poser le personnage de Lucas, jeune prostitué argentin. "Considéré par les autres comme « une bite sur pattes », il devient, peu à peu, un visage et un être humain à part entière. Pour mettre en scène cette évolution, il faut passer par des scènes de sexualité crues et d’autres plus douces, parfois pudiques. J’aime l’idée que le film soit vu par les adolescents, et je ne veux pas imposer de pornographie, même si elle est accessible partout, alors qu’un public adulte est responsable et sait ce qu’il voit", explique-t-il.
Pour Nahuel Perez Biscayart, qui interprète Lucas, le film raconte comment Lucas parvient à se retrouver : "La prostitution te place dans une situation tellement violente que tu perds la notion de plaisir ou la notion de choix. Tu deviens un objet, une chose et finalement tous les rapports d’amour, de plaisir, de joie deviennent tordus. Le film raconte aussi comment Lucas, à travers cette expérience, ce voyage, arrive à retrouver sa sexualité parce qu’au fond, il n’est pas gay. Il se prostitue uniquement avec des hommes pour bien faire la césure entre le travail et l’amour", explique l'acteur.
L'acteur principal, Nahuel Perez Biscayart, et le réalisateur, David Lambert, se sont rencontrés lors du Festival de Cannes. L'interprète a décrit leur rencontre comme un "casting mutuel". Le réalisateur l'avait repéré dans le film de Benoît Jacquot, Au fond des bois : "Il avait un rôle muet où il crevait l'écran", se souvient-il.
David Lambert a expliqué qu'il n'était pas en accord avec la manière dont le thème de la prostitution était traité dans la plupart des films, notamment au regard de ce qu'il a lui-même constaté en rencontrant, pour Je suis à toi, des prostitué(e)s et des clients. Il a souhaité l'aborder sans le prisme de la culpabilité et de la rédemption, afin de se débarrasser des clichés.
Le réalisateur a écrit le scénario de Je suis à toi et le rôle du boulanger, Henry, pour l'acteur Jean-Michel Balthazar, avec qui il avait déjà travaillé dans un court-métrage, "Vivre encore un peu", où il incarnait déjà un boulanger. L'acteur a raconté sa réticence première à accepter le rôle : "J'en ai longuement discuté avec ma femme car il y avait quelques scènes un peu plus osées. (...) J'ai deux garçons. Je n'avais pas envie qu'ils aient des ennuis dans la cour de récré. Il faut dire que j'habite dans un village et dans un village, tout se sait très vite. Finalement, je me suis dit que c'était dans la droite ligne de mon parcours d'artiste. Alors j'y suis allé."
Pour illustrer la séparation entre les mondes de Lucas et de Henry, le réalisateur s'est appuyé sur la musique : Lucas écoute du rock, du punk, tandis que Henry est un amateur d'opérette, et notamment du compositeur Offenbach.
Lucas et Henry se rencontrent par Internet. Le metteur en scène a expliqué la raison de ce choix : "Je trouve qu'Internet permet des rencontres incongrues. Au cinéma ou au point de vue scénario, c'est très intéressant. C'est le réel. En trois clics, on peut rencontrer quelqu'un comme si on le rencontrait dans la vie réelle grâce à la caméra et au son."
Pour Jean-Michel Balthazar, une des scènes les plus dures à tourner a été celle des sacs de farine : même si au montage, elle ne dure qu'une dizaine de secondes, les acteurs ont dû la rejouer de nombreuses fois. "Au bout du compte, Nahuel et moi avons transporté, en deux heures, trois tonnes de farine à bout de bras", s'amuse-t-il.