Lolita est un bon film, on ne peut le nier, mais pas le meilleur Kubrick, loin de là. Certes, la mise en scène est magistrale (c’est du Kubrick, quoi), les acteurs sont bons et la réalisation est très fine. Ayant dans les mains un sujet très sensible, Kubrick est sans cesse sur la corde raide, tournant en ridicule les différents personnages de manière très subtile (la mère de Lolita, les amis de la mère, le personnage principal lui-même) et menant la première demie heure du film d’une main de maître, en prenant un malin plaisir à glisser d’ironiques sous-entendus et en retardant le plus possible l’arrivée de l’héroïne, la « nymphette » dont on entend parler depuis le début. Son apparition n’est pas décevante et surpasse ce à quoi on s’attendait. Peut-être est-ce dû au fait que l’on voit la jeune Lolita depuis les yeux de Humbert Humbert, homme d’âge mûr séduit par une bien jeune fille. L’ascension du profiteur est assez plaisante, bien que malsaine, et le film suit son court logiquement jusque là. Mais à partir du moment où Humbert a mis la main sur la jeune fille, le film s’alanguit, pâtit de nombreuses longueurs et la fin arrive un peu trop lentement. Bien que rien ne soit explicite dans le film, ce dernier a fait scandale du fait de son sujet sulfureux et de son contenu sous-jacent. Mais le scandale vient peut-être aussi du point de vue adopté : celui d’un homme séduit par une jeune fille capricieuse, vulgaire et irrésistiblement charmante. Comment en vouloir à Humbert si c’est Lolita qui l’a séduit ! Un point de vue assez dérangeant quand on pense que le roman dont le film est l’adaptation traite avec plus de précision le problème de la pédophilie.
La « moralité » du film paraît toutefois sauvée quand Humbert, semblant prendre conscience de ses péchés, cherche à se repentir auprès de Lolita en supprimant son dernier agresseur (mais son premier agresseur, Humbert, reste lui libre).
Hormis ces considérations propres au contenu « moral » du film, ce dernier reste très bien réalisé, même s’il ne rend pas vraiment hommage à l’héroïne qu’il met en scène.