Un ami m’ayant conseillé de voir ce film, je me suis rendu en salle pensant, y vivre un grand moment de cinéma : Tous les ingrédients y étaient : la musique, la batterie, le jazz… Vraiment de quoi passer se faire plaisir !
Au début, on y commence à y croire. La musique est bien filmée avec beaucoup de plans en macro, un montage efficace, un peu « bling bling » sur les scènes intenses mais pourquoi pas...
Et puis le malaise s’installe insidieusement, sournoisement : Mais où est le plaisir de la batterie, le plaisir de la musique, le plaisir du jazz... ? Ben, nulle part !!!
En voulant livrer SA vision (américaine) de la réussite « il faut être le meilleur pour y arriver », le réalisateur a juste oublié que la musique (et le jazz de surcroit !), n'est pas de la performance, du chacun pour soi, de la masturbation technique, du tempo absolu inscrit sur une partition… C'est avant tout, le PLAISIR de partager, de jouer ENSEMBLE et de donner aux autres !
Et ça n'apparait JAMAIS dans ce film : On ne voit jamais un public HEUREUX après un concert, on ne perçoit jamais de musiciens HEUREUX de leur passion, HEUREUX de discuter de leur session, HEUREUX d’échanger sur la musique… Ce sont juste des singes savants, obsédés par leur performance (jusqu'au sang) et surtout par leur réussite !!
Et pour terminer, un final dans une incohérence totale : Comment peut-on imaginer qu’un Big Band fasse une audition publique sans avoir répété ensemble et avec le batteur, tous les titres… ?
Bref, malaise…
Mais ce qui m’a le plus gêné dans ce film, c'est qu'il n'y a aucune éthique, aucune dimension chez aucun des personnages :
- Des musiciens, prêts à remplacer leur camarade sur un claquement de doigt, sans se soutenir, se remonter le moral (C’est toujours ma gueule avant tout !!)
- Un prof tordu, manipulateur, limite psychopathe, qui se cache derrière un discours "je veux faire émerger de nouveaux talents"… Mais je suis prêt à les pousser au suicide ou à les exploser devant un public, juste par vengeance !! (M'ouais... Charlie Parker a du faire des loopings dans sa tombe !)
- Un étudiant qui envoie balader sa copine parce qu'elle manque d'ambition et risque de contrarier sa carrière !! etc, etc….
Voilà la réussite à l’Américaine appliquée au jazz… Quel dommage ! Damien Chazelle devrait revoir ses classiques comme Fame par exemple…
Bref, relative déception pour un film qui ne m’a pas convaincu, car il n’en ressort en fait, aucune conclusion intéressante à part : « Quand un salaud veut te planter, il faut s'en éloigner au plus vite, car lui n'abandonnera jamais ! »
Si Damien Chazelle conçoit ainsi la musique de demain avec ce genre de génies sans âme, autant lui dire que c'est déjà hélas le cas aujourd’hui : Des surdoués qui jouent chacun séparément dans leur home studio et font ensemble un disque, sans jamais se rencontrer !
Bref, Whiplash est très bien filmé mais vraiment, je n'ai pas envie de vivre dans ce monde du jazz là, juste pour voir émerger le prochain Charlie Parker !!!