Ah je me souviens encore de ma tendre jeunesse, abreuvé par des blockbusters hollywoodiens sans âme et sans saveurs, je me refusais presque à voir un film au cinéma qui n'est pas pétaradant, de peur d'être déçu et de m'ennuyer. Je me revois, visionner la bande d'annonce avec scepticisme, me demandant l'intérêt de faire un tél film, réduisant l'aspect cinématographique de ce long métrage à la batterie et au jazz. Me jurant presque de ne jamais y aller car n'étant pas fan des deux. Et pourtant, quelques jours plus tard -poussé par les critiques dithyrambiques de ce chef-d'oeuvre et d'un père voulant me hisser vers un cinéma plus élitiste sortant de ces sentiers battus que je m'étais moi-même creusé- j'ai finalement poussé les portes de la salle, pénétrant la pénombre, presque à reculons. Me disant que si ce film était aussi soporifique que je l'imaginai, je n'avais qu'à, dans un profond soulagement, sortir du complexe et rejoindre avec joie la lumière du jour
Ce que je n'ai évidemment pas fait : pleinement captivé par une première scène pleine de tension qui laissait déjà entrapercevoir cette joute verbal et physique qui se déroulera tout le long du film.
L'intensité du jeu d'acteur est la première chose que j'en ai retenu. Cette caméra saisissante qui montre à quel point une personne déterminée peut réunir toutes ses ressources, se vidant de sa substance, pour parvenir à satisfaire un objectif qui lui est cher. Et peut-être que les artifices utilisés, poussés à leurs paroxysmes, peuvent en dérouter plus d'un, il n'en demeure pas moins que la morale -certes facilement critiquable - qui se dégage de Whiplash est forte.
Car dans une société où à la moindre contrainte nous avons tendance à abandonner, où un important nivellement par le bas s'opère faisant presque passer la médiocrité pour quelque chose de louable, la fin ne justifie t-elle pas les moyens ? Surtout quand la fin, elle, est louable.
Pour moi, il est évident que de se "prendre des claques" forge le caractère et qu'en laissant tout passer, un homme ne peut pas se hisser au dessus de sa condition, rentrant dans la satisfaction du minimum. Mais je ne peux que comprendre que dans un monde où la violence psychologique fait des ravages, on ne puisse cautionner une telle morale. Car il est évident, que Damien Chazelle, loin de condamner la violence du professeur, a fait son choix quant à sa vision des choses. Et l'évidence même de la dernière scène, de cette apothéose, prouve que le réalisateur a choisi de cautionner les actes de l'instructeur.
Je tends aussi parfois à dire que pour faire un grand film, il ne suffit que de dialogues savoureux. Que serait un "huit salopards" sans le génie d'écriture d'un Tarantino ? Probablement rien. Il en va de même pour Whiplash, film où les "punchlines" dignes des plus grands MC fusent par milliers, où certaines, en se départissent de toute bien-pensance, provoquent l'hilarité, malgré leur évidente immoralité.
Au fil des visionnages, tous plus savoureux les uns que les autres, Whiplash est probablement devenu mon film préféré, se frayant un chemin à la hache parmi les nombreux longs-métrages que j'ai eu la chance de voir. Néanmoins, il est indéniable que je ne l'ai jamais savouré à sa juste valeur, n'étant au final que très peu intéressé par son aspect musical. N'ayant jamais ressenti l'exacerbation des sentiments que peut percevoir un mélomane inconditionnel de Jazz.