Tambour Battant -
Sous son air musical, le réalisateur Damien Chazelle, nous joue une ode guerrière à la psychologie malsaine. Dans le vocabulaire français, le mot « batterie » désigne l’instrument que l’on connaît, mais également une œuvre musicale militaire. Elle se définit comme étant un « rythme permettant de soutenir le déplacement d'une unité militaire ». Il est incroyable de constater à quel point cette définition semble parfaitement en adéquation avec l’esprit de ce Whiplash.
Tel un bidasse mordant la poussière pour devenir le futur Rambo de l’armée américaine, le jeune Andrew Neyman a pour « simple » ambition de devenir le meilleur batteur des Etats-Unis… bref du Monde. Intention louable, mais cette force de conviction pousse le personnage, certes à se dépasser, mais également à s’isoler de ses proches, de l’amour et donc de sa jeunesse. Sa passion exclusive l’entraîne jusqu’à la souffrance physique et à l’automutilation. Au fur et à « mesure » que le film avance, le spectateur s’éloigne de plus en plus de sa première impression de sympathie face à ce jeune qui en veut. Une complexité du personnage bien maitrisé par le jeune talent Miles Teller. A sa décharge la folie qui s’immisce dans le comportement du batteur est dû à « l’instructeur en chef », Terence Fletcher interprété par un JK Simmons, sadique à souhait et disons le mot : extraordinaire ! Voilà un Oscar bien mérité…
Evidemment, tous les amateurs de Full Metal Jacket se sont rappelés aux bons souvenirs du sergent Hartman, physiquement et psychologiquement le réalisateur nous fait un parallèle voulu. Dans Whiplash, on est plus proche de la vie de caserne que du conservatoire. Les scènes d’injures s’enchainent aux scènes d’humiliations. Les séquences musicales sont montées au rythme des morceaux choisis mais également réalisées à la manière d’un film de guerre, filée de caméra sur les trompettistes telle une colonne de fantassins en mouvement ; gros plans sur les percussions, résonant comme des impacts d’obus avec ces taches de sang du batteur blessé, suant et dégoulinant.
La question du réel niveau de sadisme du chef d’orchestre est le principal moteur du film. Sadisme calculé pour former les meilleurs des meilleurs comme il s‘en défend ou sadisme pathologique ? La scène finale, à l’instar d’une bataille épique, offre en partie une réponse à cette question. En prime, on assiste à l’apothéose du film d’un point de vue montage et réalisation. Toute l’échelle des valeurs de plans est ici utilisée et parfaitement dosée, plans larges, plans serrés, très gros plans doublés de cadrages aux angles multiples en adéquation parfaite avec la musique jazz et le jeux de batterie d’Andrew Neyman.
Le film peut paraître répétitif dans ces séquences et certaines critiques ne se sont pas gênées pour signaler cette faiblesse scénaristique, mais la réalisation impeccable nous offre des moments forts. L’antinomie, entre la musique jazz jouée qui nous emporte avec ces rythmes aux couleurs chaudes ET tout le sadisme et la brutalité que le batteur doit subir, et se faire subir, pour nous délivrer ces moments de plaisir, nous offre une œuvre majeure de l’année 2014.