"Timbuktu" est un film qui se passerait aisément de commentaires, mais je vais essayer d’apporter le mien. Découvert à travers un extrait
(un match de foot sans ballon)
qui a suffi à piquer ma curiosité, je me suis plongé dans ce film franco-mauritanien sans trop savoir à quoi m’attendre. Et le début ne manque pas de surprendre avec la fuite d’une gazelle (en tout cas une bête à cornes) effrayée par les coups saccadés de fusils d’assaut venus perturber la tranquillité du désert. A la fois poétique par la beauté des images et politique, le réalisateur démontre les effets de l’extrémisme, sans prendre "véritablement" position. Condamner sans trop s’engager (ce qui ne fut pas aisé), avec la même sagesse que l’imam de la mosquée de Tombouctou, est un sacré pari et je dois admettre qu’il est réussi. Par une approche humaine et pacifiste, il expose le point de vue des djihadistes et celui des musulmans modérés, en implantant son intrigue dans la ville malienne occupée par le prétendu état islamique dont les membres (pour les uns persuadés de leurs convictions et pour les autres hypocrites) n’ont de cesse de répéter les nombreux interdits à grands coups de mégaphone avant de les traquer jour et nuit. Avec justesse, le réalisateur et les scénaristes se sont efforcés à témoigner des discordances nées des différentes lectures du Coran. De là nait la constatation que les djihadistes répondent aux crimes par de la cruauté, eux-mêmes cruels pour punir des choses qui ont bercé l’humanité depuis toujours. Les interdits passent pour des débilités profondes, d’autant plus profondes que ces islamistes se permettent eux-mêmes de braver les interdits en parlant, par exemple, de foot en aparté. Le summum est que lorsque ça les arrange, ils parlent en anglais alors qu’ils réfutent tout ce qui a trait au monde occidental. Un non-sens qui interpelle et qui confirme l’expression "faites ce que je dis mais ne faites pas ce que je fais". Par le biais d’une réalisation soignée, d’une photographie léchée, d’un montage particulièrement abouti, et d’un scénario vraiment osé, voilà le spectateur embarqué dans un voyage de découverte à faire froid dans le dos et qui confirme ce qu’il pensait. S’inspirant de quelques faits divers ayant eu lieu (comma la lapidation d’un couple et le touareg exécuté sur la place publique), Abderrahmane Sissako s’est montré courageux pour réaliser ce film. Surtout dans le contexte actuel, et tant pis pour les conséquences ! Afin de faire aboutir son projet, il se permet même de présenter sa réalisation aux producteurs inquiets et frileux comme un documentaire. Sous la protection impressionnante de l‘armée mauritanienne que nous ne verrons jamais à l’écran, il en ressort un film plus qu’intéressant, avec des séquences dures et choquantes. Impossible de rester impassible, en tout cas pour moi. Meilleur film, meilleur réalisateur, meilleure photographie, meilleurs décors, meilleur scénario, meilleur son et meilleur montage, telles sont les récompenses obtenues lors de la cérémonie des Césars 2015, avec aussi la meilleure musique qui est vraiment superbe. Souvent discrète, la composition d’Amine Bouhafa accompagne à merveille le film. Notez que les dialogues se font la plupart du temps en arabe, ce qui a le don de crédibiliser le récit et d’avoir une meilleure immersion. Regardez, découvrez, appréciez, et ensuite je vous invite à lire la critique de l’internaute Velocio, très pertinent dans ses dires.