Dix ans depuis le film tonitruant qu'était La Chute, grand spectacle et gros barouf, avant qu'Oliver Hirschbiegel ne revienne au passé sombre de l'Allemagne; entre temps il aura fait un peu tout et n'importe quoi -surtout n'importe quoi, y compris des séries.
Ici, il nous raconte l'histoire d'un résistant oublié, ou presque -il a quand même une statue dans sa ville natale.
C'est un Souabe, né dans une famille d'artisans; son père est alcoolique; sa mère, bigote. Il apprend l'horlogerie, la menuiserie; il va travailler au bord du lac de Constance où on nous le présente comme un esprit passablement superficiel aimant la musique -il joue de l'accordéon- et les filles. Et, ce qui nous gêne beaucoup, mais sans doute le réalisateur a t-il des sources plus riches que wikipedia..... c'est qu'on a du mal à cerner le personnage. Esprit léger, donc, qui laisse tomber les filles même quand il leur a fait un marmot.... et en même temps, croyant. On le voit régulièrement prier.
Dans sa famille, on déteste les nazis qui s'implantent même dans les villages les plus ruraux surtout par esprit religieux: Ce qui ne passe pas c'est, en premier lieu, que les nouveaux maitres cherchent à éradiquer la religion, embrigadant les enfants dès leur jeune âge.
Georg Esner (Christian Friedel) flirte cependant aussi avec le parti communiste; il faut partie du Front Rouge. Il refuse dès le départ de donner des signes de soumission; il refuse de faire le salut nazi. Il ne cache pas sa détestation du système. Il décide donc tout seul de perpétrer un attentat à la brasserie Bürgerbräukeller de Munich, où le Führer entouré de toute sa clique vient tenir un meeting, pour que ça s'arrête, pour que la situation de l'Allemagne ne continue pas à se dégrader. Il vole des explosifs, il se fait enfermer dans la brasserie, avec son savoir faire d'horloger et de mécanicien, il conçoit un dispositif totalement surréaliste mû par deux montres... délirant mais qui marche puisqu'il y aura huit morts, dont une serveuse et un musicien -la clique avait déjà décampé. Enfin tout cela, vous le savez déjà, et plus encore, puisque vous l'avez lu dans wikipedia avant de partir au cinéma.... Il est rapidement arrêté, d'abord muet il finit par avouer. Il est interrogé par de très hauts responsables: le chef de la police criminelle, le général Nebe (Burqhart Klaussner), ainsi que le commandant en chef de la Gestapo, Heinrich Müller (Johann von Bülow). En effet, Himmler et Heydrich sont -et resteront persuadés- qu'Esner ne peut avoir agi seul; qu'il a forcément des complices, peut être même qu'il est manipulé par des puissances étrangères.
Voilà donc un petit morceau d'histoire bien intéressant, et qui méritait d'être tiré de l'oubli. Le film entrelarde les scènes d'interrogatoire avec des épisodes anciens, soit vraiment anciens: les débuts de l'engagement de Georg, soit récents: son histoire d'amour avec la belle et mal mariée Elsa (Katharina Schütter). Et c'est bien là que le bât blesse: Hirschbiegel a voulu humaniser son héros, lui donner une autre densité que la seule défroque historique -et ça n'est pas convaincant. Comme c'est par ailleurs filmé de façon plutôt plate, on frôle parfois l'ennui...
Mais cela ramène à une question essentielle: combien y en a t-il eu de ces héros ordinaires, oubliés? Parce que leur bombinette a fait pschitt tout de suite, parce qu'ils n'étaient manifestement que des amateurs, parce qu'il ne fallait pas que le public sache qu'on avait essayé d'attenter à la vie du bien-aimé Führer....mais qui ont tenté, de faire quelque chose.... Il y en a eu, sûrement.
Donc: essentiellement pour les passionnés d'histoire contemporaine!