Si le studio Ghibli a fait sa réputation via les œuvres de Hayao Miyazaki et d’Isao Takahata (en même temps, ce sont les fondateurs), d’autres réalisateurs ont su saisir leur chance pour livrer des longs-métrages à leur nom, tel que Hiromasa Yonebayashi. Ayant démarré aux côtés de Miyazaki, cet animateur a commencé par prendre des responsabilités en tant que codirecteur sur Les contes de Terremer, avant de s’attaquer pleinement à la réalisation avec Arrietty, le petit monde des chapardeurs. Un joli conte écolo qui manquait toutefois de magie et de poésie. Mi-juillet 2014 (début janvier 2015 pour nous), le bonhomme livre son second film (et son dernier au sein de Ghibli, ayant quitté le studio fin 2014). Et on peut dire qu’avec Souvenirs de Marnie, Yonebayashi s’est taillé une très solide réputation !
Si l’on devait commencer par les reproches dans cette critique, il faudrait déjà parler de l’animation. Non pas que celle-ci soit mauvaise, au contraire ! Le studio Ghibli, depuis sa création, a toujours su livrer de somptueux films d’animation, plus qu’agréables pour la rétine. Et Souvenirs de Marnie ne déroge pas à la règle, surtout avec la finesse des dessins. Mais comparé à d’autres œuvres du studio de Totoro, le film de Yonebayashi n’innove aucunement, se reposant sur les acquis de ses prédécesseurs. Il est vrai que le nouveau manque de magie de cette histoire peut y être pour quelque chose. Il n’empêche qu’ici, l’animation ne s’envole jamais vers de nouveaux horizons, restant en terrain connu. Oui, c’est du chipotage et je l’assume ! Et encore une fois, cela reste un « mini-reproche » car l’ensemble est vraiment joli.
Mais en même temps, ne juger Souvenirs de Marnie que pour son rendu visuel serait passer à côté de l’intérêt principal de ce long-métrage qui est son histoire.
Celle d’une petite fille solitaire, timide et agoraphobe, envoyée en vacances pour se ressourcer et qui va vivre une magnifique histoire d’amitié avec une autre fille de son âge… se révélant être en réalité le fruit de son imagination
.
Une rencontre pour le moins étrange qui va lui permettre en fin de récit de s’ouvrir au monde qui l’entoure et à s’accepter telle qu’elle est.
Si vous pensez que j’en dis trop, attendez-vous à être surpris par le reste de l’histoire, qui regorge de nombreuses surprises et autres illuminations pouvant captiver votre attention sans aucune difficulté. Vous l’aurez compris, Souvenirs de Marnie n’est pas une simple histoire d’amitié comme le cinéma, qu’il soit d’animation ou avec de vrais acteurs, en livre depuis des décennies. Il s’agit du portrait tout en complexité et sans tabou d’une jeune adolescente en proie au doute et à ses peurs personnelles.
Pour dire que Souvenirs de Marnie n’a rien d’un film pour enfants. Et pour cause, le tout se veut assez réaliste, aussi bien dans ses séquences (pas de moments « étranges ») que dans son ambiance (on a vraiment l’impression d’être au bord de la mer grâce aux bruitages). Sans compter que le tout se permet d’aborder des sujets d’une très grande maturité, tels que l’adoption et les charges financières qui vont avec, la maltraitance d’un enfant, la déprime d’une ado, la perte de ses parents, un langage souvent percutant de la part de l’héroïne… Autant dire que Yonebayashi et ses coscénaristes n’y vont pas avec le dos de la cuillère, au risque de déstabiliser bon nombre de spectateurs voulant éviter les esprits malmenés. Mais malgré cela, ce côté sombre et très adulte renforce cette histoire d’amitié avec tant de forces et de poésie qu’on ressort du visionnage une larme à l’œil et un rayon de soleil au cœur. Et franchement, regarder des films de ce calibre fait un bien fou !
Sans doute pas le meilleur long-métrage du studio Ghibli à cause de ses graphismes dans la moyenne du moment et son manque de magie. Mais en osant dans une très grande maturité, Hiromasa Yonebayashi livre une œuvre aussi poignante que magnifique. Il est vraiment dommage que ce conteur de génie ait décidé de quitter l’équipe. Ce qui ne nous empêche pas de le suivre dans ses futurs projets et de croire encore au potentiel du bonhomme. Avec Souvenirs de Marnie, il y a de quoi en attendre de sa part !