Et c’est parti pour ma première critique de cette année 2015 qui commence avec le second film de Yonebayashi à qui l’on doit déjà le très agréable, simple et touchant "Arriety et le petit monde des chapardeurs" qui avait été une très bonne surprise lorsque je l’ai visionné, ne serait-ce que pour la bande-son de Cécile Corbel qui me rend fier d’être français.
Avant de parler du film en lui-même, il faut savoir que cette adaptation d’un roman britannique (When Marnie Was There de Joan G. Robinson) n’a pas eu le succès espéré au Japon lors de sa sortie en juillet dernier, et ce après l’échec commercial du "Conte de la princesse Kaguya" ce qui a fait que les studios ne produisent plus de film d’animation pour le moment.
Et pour ma part, ça m’énerve un accueil aussi mauvais pour un film pareil. Je ne sais pas comment il sera accueilli les jours à venir, mais pour ma part l’année pouvait difficilement commencer mieux. A défaut d’être parfait, "Souvenirs de Marnie" m’a mis la larme à l’œil deux fois et sans faire dans du tire-larme, je ne le préfère pas à Arriety mais je compte bien le revoir lors de sa sortie DVD.
Parlons d’abord des personnages avec Anna Sasaki, une jeune fille asthmatique et perturbée de 12 ans qui vit mal le fait qu’elle soit une enfant adoptée et fait même sa crise de la douzaine si je puis dire. Pour ma part, je la trouve vraiment attachante sur le fait qu’elle soit un personnage réaliste mais aussi triste et touchant car on comprend ses douleurs et ses peines quand on apprend à la connaître et Yonebayashi n’en fait pas une tête à claque qui se morfond sans raison et se montre détestable à travers ses pensées ou avec autrui par moment, elle est mal dans sa peau et ça se comprend vite, je ne suis pas habitué à ce genre de personnage principal donc tant mieux, pour moi l’héroïne est réussie.
Cela dit, j’ai une chouchoute dans ce film, et il s’agit de Marnie autour de qui toute l’histoire va tourner, et c’est en très grande partie elle et son amitié avec Anna mêlant surnaturel et monde réel du début à la fin qui la rend si agréable, elle est très tendre, souriante et elle donne un aspect fantomatique du début à la fin car à chaque fois qu’Anna la voit, on ne sait jamais si elle est réel ou non,
puisque Anna est la seule personne qui entretient une liaison physique avec elle, pourtant on ne cesse de se dire que tout cela est le fruit de l’imagination d’Anna qui est dû à sa solitude et à ses complexes
, mais le scénario surprendra plus d’une fois au sujet de cette fille.
Les personnages plus secondaires sont en général sympathique et sont aussi assez bien développé pour qu’on les apprécie sans compter que certains dégagent de l’intérêt dans l’intrigue, personnellement je retiens surtout la peintre Hisako, le couple Oiwa qui n’a pas tant d’utilité que ça à l’intrigue mais qui est agréable à suivre quand on passe du temps avec eux ou encore Sayaka
qui n’arrive que dans la seconde partie du film.
La bande-son composée par Takatsugu Muramatsu (un parfait inconnu d'ailleurs) n’est pas des plus originales ou mémorables (excepté pour la chanson de fin qui m’a bien plu personnellement) mais elle contribue à l’ambiance apaisante, souvent poétique également et la sympathie que nous inspire les personnages et leur situation, et ça me suffit.
Au niveau de l’animation de ce film, je me souviens que Yonebayashi nous avait offert un graphisme détendant avec Arriety et un environnement naturel doux pour les yeux, pleine de couleur (en mêlant l’univers miniature des chapardeurs). Ici, on retrouve ce qui avait fait le charme d’Arriety mais avec pas mal d’inspiration en plus vis-à-vis de du roman adapté par le réalisateur. C’est très apaisant et harmonieux, le jeu des couleurs que ce soit les scènes sur la barque avec le reflet blanc de la lune sur l’eau de la baie qui était minutieux de détail et de beauté ou sur le manoir anglais qu’ira souvent visiter Anna ont un véritable charme, j’avais même l’impression de voir un tableau prendre vie à chaque fois qu’on nous montrait ces plans sur le manoir avec une gestion de couleurs aussi fidèle à la tradition anglaise et avec autant de charme, en dehors de cela la verdure de l’herbe et la clarté de l’eau bleu sont également apaisant pour les yeux, une véritable harmonie se développe à travers ces graphismes ainsi que plusieurs plans et ça fait un très grand bien pour nos yeux.
Et des plans prenant, on en a plusieurs qui sont de toute beauté, comme je l’ais dis un peu plus haut ce sont en général les scènes entre Marnie et Anna qui sont le point central du film
comme la danse à la sortie du manoir lors du bal qui est un beau moment de complicité entre elles
, mais en dehors de ces passages on a aussi plusieurs cadres visuellement beau à se mettre sous les yeux. Rien que les plans sur les marais autour du manoir sont très beau et détaillé.
Mais j’aimerais m’attarder plus longuement sur le point le plus important dans ce film et qui fait qu’il marche vraiment : son script. Et c’est ici qu’on voit que l’histoire est d’une profondeur inattendue, on pourrait croire qu’on suivrait juste une histoire d’amitié simple et touchante entre deux jeunes filles ayant perdues leur repères qui, l’une à l’autre, résoudront leur problème ou encore à Anna qui, à force d’imaginer Marnie, arriverait à régler ses problèmes personnel. Seulement, c’est non seulement un peu des deux et le film prend bien son temps pour développer leur relation, mais en plus de cela, plus le film avance, et plus on commence vraiment à se demander
si Marnie existe ou pas, et c’est Sayaka qui mettra la puce à l’oreille avec le journal intime de Marnie caché dans sa chambre et qui raconte l’histoire de la jeune blonde jusqu’à ses derniers jours au manoir.
Les personnages secondaires interviennent et se développe au bon moment pour apporter des réponses à nos questions, et en plus de cela, le thème du passage à l’âge adulte à travers l’adolescence ainsi que le thème de l’adoption et du sentiment de négligence de la part de ses parents de sang sont délicatement maîtrisé à travers nos deux héroïnes,
l’une est une enfant adopté qui a perdu ses parents très jeunes mais se sent mal aimé car elle sait que sa mère reçoit un dû pour s’occuper d’elle alors que Marnie est négligé par ses parents souvent en voyage et maltraité par les bonnes et sa gouvernante,
chacune cherche en l’autre ce qu’elle souhaite et s’attache entre elle et même si ça a déjà été fait et que ça reste du déjà-vu, ça marche quand même et dans son traitement, c'est vraiment beau à voir évoluer.
Tout ces éléments sont aidés par les personnages plus en retrait qui interviennent pour faire évoluer Anna ou faire avancer le mystère autour de Marnie,
en particulier Sayaka et Hisako qui était une amie proche de la jeune blonde il y a longtemps.
Le film ne fait pas plus d’une heure quarante mais il arrive à prendre son temps pour installer l’amitié entre les deux jeunes filles, faire intervenir les personnages secondaires sans que ça soit forcé et nous transporter dans plusieurs interrogations auquel les réponses viendront.
Et cela grâce au Twist final autour du personnage de Marnie :
qui se révèle être à la fois le fruit de l’imagination d’Anna mais aussi un être bien réel à la vie triste mais qui voulait en profiter pleinement malgré les malheurs dont elle était victime jusqu’à adopter l’enfant de sa propre fille qui n’est autre qu’Anna, sa petite-fille.
Mais j’y perçois aussi une seconde interprétation au sujet d’Anna
dont on peut dénoter une forme de schizophrénie imaginaire puisque sa (fausse) amitié avec Marnie est un moyen pour elle de se confier à quelqu’un puisqu’elle est de nature solitaire, elle règle ses problèmes avec son imagination et grandit au fil du film grâce à cette relation.
Bon c’est peut être un peu poussé, mais en y repensant je le ressens comme ça.
Le seul vrai point noir que j’aurais à reprocher dans tout ça, c’est l’introduction qui m’a paru un peu long en début de film et ou je me suis un peu ennuyé, ainsi qu’un ou deux personnages secondaires dont l’utilité est totalement absente et n’apporte pas grand-chose finalement à l’histoire. Autrement, et à défaut d’être un coup de cœur, "Souvenirs de Marnie" est comme d’habitude un très bon film d’animation de Ghibli, avec deux héroïnes à la relation attachante et émouvante à suivre, une animation magnifique comme toujours de la part des studios, des rebondissements assez surprenants, deux scènes qui ne m'ont pas laissé indifférents jusqu'à m'émouvoir et des thèmes bien maîtrisé par Yonebayashi qui gagne en intérêt à mes yeux avec son deuxième film.
Et à vrai dire j’aimerais bien que ce film marche chez nous, parce que j’entends de partout que Ghibli est fini et va bientôt fermer ses portes, que ce film est leur dernier, sauf que non, encore une fois ils sont juste en pause à cause des échecs commerciaux de leurs derniers films, ce n’est pas la fin donc ne les enterrons pas, Miyazaki n’est pas le seul réalisateur capable de faire de grand film, Takahata, Hosoda et Yonebayashi existent aussi et ils ont beaucoup à offrir.
Et je prie pour que des nouveaux projets voient le jour chez ces studios japonais dans les prochaines années.