Que vous soyez un jeune enfant, avide des aventures du garçon « qui ne voulait pas grandir », un adulte, adorateur de l'univers créé par J.M Barrie et souffrant, certainement, du célèbre syndrome de Peter Pan, ou simplement un spectateur lassé des sempiternelles adaptations de cette pièce de théâtre (ou roman), considérant que le sujet aura suffisamment été exploité au cinéma, vous attendez, avec intransigeance, le nouveau film de Joe Wright, spin-off des origines d'un véritable mythe de l'enfance. Et, comme vous pouviez le craindre, si Pan est honnêtement réalisé et trouve quelques idées intéressantes dans le traitement de son sujet, il passe totalement à côté de l'essence même de la légende et se perd dans une course à la recette des succès populaires actuels.
Joe Wright tente, donc, de se démarquer de ses prédécesseurs en se concentrant sur les débuts du jeune orphelin et sa transformation en Peter Pan : le maître du Pays imaginaire. Capturé une nuit par les pirates du "cruel" Barbe Noire, il fera la rencontre du méchant pirate, avide de poudreuse rajeunissante, du jeune et séduisant James Crochet et de la jolie Lili la Tigresse. Il devra prendre confiance en lui-même, afin de se réaliser en tant que Pan et trouver, littéralement, son envol. Alors, raconter les origines d'un mythe, pourquoi pas ! La tendance actuelle des superhéros et personnages de conte ne laisse pas vraiment le choix au spectateur d'en décider autrement. Cependant, dans le cas de Pan, il est particulièrement agaçant de sentir ce mélange défraîchi entre un mauvais opus de Pirates des Caraïbes, un Avatar mal exploité dans son univers et un Crochet, aspirant Indiana Jones, à la réplique plus spiritueuse que spirituelle, que même Harrison Ford ne pourrait sauver...
Evidemment, il n'est jamais simple d'adapter une histoire aussi forte que Peter Pan, surtout lorsque le mythe a déjà été magnifié par Walt Disney, sublimé par Steven Spielberg et, enfin, joliment respecté par P.J. Hogan. Le besoin de faire la différence, pour éviter, à tout prix, la comparaison, était un mal nécessaire au réalisateur d'Orgueil et Préjugés pour créer son propre univers, qui, c'est certain, lui tenait profondément à cœur. Pourtant, les incohérences s'enchaînant, le mythe réinventé se transforme bien assez vite en « voyage du héros », qui se fonde, en toute logique sur l'évolution d'un protagoniste vers une nouvelle forme de maturité : un triste paradoxe lorsque l'on tient à raconter l'histoire d'un garçon qui ne voulait pas grandir. Car, en effet, si la suite de Peter Pan (Hook, notamment) pouvait se permettre de faire grandir l'enfant volant, le prequel expliquant ses origines ne devait, absolument pas, prendre une forme classique du héros, chère au monde Hollywoodien ; bien au contraire !
Ainsi, il est insensé de donner un statut christique au jeune garçon et encore moins de le faire, symbole d'amour divin d'une mère qui ne l'a abandonné que par pur sacrifice. Peut-être, aurait-il été plus judicieux, dans un souci de « classicisme » hollywoodien, de ne pas mettre Peter au centre de l'intrigue car son passé ne peut être que pessimiste (comme la bande-dessinée de Loisel), pour qu'il refuse de grandir. Peter Pan est une entité presque divine que l'on ne peut saisir que d'un œil extérieur ; en l'occurrence, celui de Wendy Darling, qui lui avait donné vie. Dans cette même logique, les très beaux décors du film sont d'une complexité incroyable mais imaginés par un adulte à la recherche de son enfance et non par un enfant dont les représentations sont, encore, manichéennes à la limite du cliché. Ajoutant à tout cela un refus catégorique de toute forme de cruauté, le merveilleux n'a plus la possibilité de se développer et l'émotion n'arrive jamais à nous saisir.
Finalement, Pan est une œuvre malgré tout honnête qui a tenté de convaincre son public adulte, comme l'a fait Steven Spielberg, plus de 20 ans auparavant. Mais là où le cinéaste de Hook avait saisi la vision de J.M. Barrie et, de ce fait, proposait une évolution d'un Peter qui avait décidé de grandir pour vivre « une sacrément belle aventure » humaine, Joe Wright a anticipé, à tort, son évolution, avant même, qu'il ne vive ses plus belles aventures divines. Le spectateur sort, alors, déçu du cinéma, en n'ayant obtenu aucune réponse sur le mystère Pan ainsi que son éternel ennemi, Crochet.