C'est un curieux paradoxe qu'un film conçu comme une comédie puisse me rendre triste. On y va avec l'espoir d'un renouvellement du jeune cinéma français d'auteur, séduit par une bande-annonce maligne et des critiques enflammées. Et il suffit de deux séquences pour que ça s'effondre : le "jeune" cinéma français piétine incurablement depuis 30 ans. "Les combattants" voudraient bien échapper au formatage, on sent le désir d'insuffler une énergie nouvelle dans les dialogues, le filmage est soigné, impeccable, visuellement il y a du talent et du savoir-faire, le casting est réussi et les comédiens bien dirigés. Disons que les clichés, tics, errements traditionnels des films français subventionnés reçoivent ici un coup de peinture fraîche. On tente - un peu - de sortir du carcan, sans tomber pour autant dans le n'importe quoi à la Peretjatko (et sa "Fille du 14 Juillet" épouvantable). Sauf qu'en fait on n'en sort pas, la force centrifuge des poncifs démolit constamment ces ambitions louables. Et on a le droit, dans l'ordre : à l'ancrage social (l'entreprise de menuiserie), à la crise d'adolescence - aggravée, chez le garçon, par la mort récente du père, dont le pathos est tellement tenu à distance qu'on ne comprend pas pourquoi ils l'ont gardée dans le scénario, sinon pour faire de l'œil aux commissions -, à l'ancrage régional appuyé (les Landes). Le tout emballé sous forme de comédie qui tâtonne, change de registre sans arrêt - un coup ça se veut burlesque (mais les effets comiques sont vite répétitifs), le coup suivant ça vire à la romance cousue de fil blanc et 100% cliché, un pied dans le réalisme social, un autre dans le fantastique (la fin, particulièrement foireuse). Résultat : on ne sait pas à quoi s'attacher, on s'ennuie, on s'énerve. Adèle Haenel s'en sort mieux que Léa Seyoux dans le registre "la fille qui fait la gueule tout le temps", mais sa Madeleine est un personnage à la fois impossible et prévisible, une créature caricaturale de scénario sans réelle épaisseur. Kevin Azaïs hérite d'un rôle moins monolithique, mais qui ne sort pas des sentiers battus du tropisme post-adolescent estampillé "cinéma français de festivals de court-métrage", à la recherche d'un père de substitution (le grand-frère raisonnable ? Madeleine ? L'armée ?). On n'échappe pas non plus à l'infernale dictature de "l'évolution des personnages", qui sortiront forcément transfigurés d'une épreuve initiatique qu'ils se seront eux-mêmes infligées. Y aura-t-il un ou une jeune cinéaste français(e) pour nous débarrasser de cette plaie ?? Pour un Yann Gonzales, combien de Rebecca Zlotowski ? Bref, qu'est-ce qui différencie "Les combattants" des affreux "Grand Central", "Suzanne", ou autres "Année des Méduses" ? Un poil moins d'esprit de sérieux et un soupçon d'audace ? Même pas sûr. On lui mettra deux étoiles au bénéfice du doute.