Comme c’est le cas pour bon nombre de cinéastes, la carrière des frères Coen est faite de hauts, d’immenses, et de moins bon, voire de dispensables. Leur dernier effort, Avé César, se situe clairement entre deux, comédie dans la veine comique de ce qu’ils ont proposé par le passé, soit un humour de situation, de mimiques, parfaitement assaisonné d’une forme d’ironie dans tous les dialogues. Une fois encore, les frères réalisateurs s’offrent le luxe d’un casting rutilant, composition de vedettes ayant, pour la plupart, déjà officié sous leurs ordres, de George Clooney à Josh Brolin, en passant par Frances McDormand, Tilda Swinton, Scarlett Johansson, Jonah Hill ou encore Channing Tatum. Si certains, les deux premiers, incarnent des rôles principaux, d’autres, beaucoup d’autres, ne font que passer, d’où, sans doute, la preuve d’une certaine légèreté dans la manière d’aborder un film de la part des réalisateurs qui font de stars talentueuses de simples faire-valoir.
Le film, qui plus est, souffre d’un clair manque de tranchant, alternant scènes de compositions artistiques, on pense à la mise en scène des séquences de tournages en studios, toutes très belles, certes, avec celles vouées à faire avancer une intrigue qui, il faut l’avouer, se perd un peu en chemin. On regrette dès lors ce manque de précision narrative, le film étant semble-t-il un prétexte pour dresser un beau tableau de ce que fût Hollywood à son âge d’or des années 50, le portrait se complétant de par l’incursion des penseurs communistes dans les rouages on ne peut plus capitalistes de l’industrie du cinéma. Les frères Coen nous offre donc un beau décor mais sans réelle volonté de raconter quelque chose de mûrement scénarisé, se contentant souvent de faire scintiller des dialogues loufoques, on les aime, mais tout de même, et de composer de très beaux plans, on pense au ballet aquatique ou à la comédie musicale des marins.
En dépit de cela, on irait presque jusqu’à dire qu’il s’agit là d’un film qui ne sert pas à grand-chose, du moins dans la filmographie des deux frères, il apparaît pourtant qu’Avé César est et restera, malgré les critiques ou un certain ressentiment, un film signé par deux réalisateurs à l’indépendance artistique assumée, au talent monstre. Il reste donc un film indispensable, pour bien des raisons, notamment de par le tableau remarquable qu’il peint des studios hollywoodiens d’après-guerre. Accessoirement, en dépit de leurs importances toutes relatives dans le film, chaque acteur maîtrise parfaitement sa partition, on pense notamment à Clooney, honnêtement jamais meilleur que lorsqu’il est dirigé par les frères Coen. Même Ralph Fiennes, qui n’apparaît que très peu, parvient à captiver le temps d’une seule séquence. Si Avé César n’est pas foncièrement bon, il démontre au moins la qualité de direction d’acteurs de Joel et Ethan Coen. C’est déjà ça. 12/20